En prélude au double scrutin (législatives et référendum) prévu le 22 mars 2020, un énième appel est lancé par le FNDC à nos compatriotes pour « une mobilisation historique » qui montrera « du jamais vu » les 21 et 22 mars afin, selon le communiqué, « d’empêcher un coup d’Etat constitutionnel ». Cette tentative de mobilisation s’inscrit dans une logique de perte de vitesse évidente du mouvement qui a connu sa première marche le 14 octobre 2019.
Depuis, malgré les protestations verbales et la récitation des formules toutes-faites (coup d’Etat constitutionnel, présidence à vie, tripatouillage…), force est de reconnaître que l’imposture semble démasquée par nos compatriotes qui croient de moins en moins au combat du FNDC, si tant est qu’ils y ont réellement cru un jour. Comment en est-on arrivés là ? Qu’est-ce que c’est que ce machin dit « Front national pour la défense de la Constitution » ? Pour quels objectifs ? Qui en sont les principaux leaders ? Quelle est leur légitimité ? Pourquoi le mouvement s’est-il affaibli et semble s’acheminer vers sa belle mort ?
D’entrée de jeu, nous avons affaire à des activistes politisés, instrumentalisés ou complices – c’est selon – d’une bonne partie de la classe politique de l’opposition guinéenne. Camouflés sous le fallacieux prétexte d’activistes de la société civile, les meneurs du FNDC sont en réalité des naufragés des derniers combats sociaux et politiques perdus en Guinée (mouvement des « forces sociales » contre l’augmentation du prix du carburant de 25% – passé de 8 000 GNF à 10 000 GNF -, la grève des enseignants, les dernières communales…). A chaque fois, les manifestations avaient échoué. A chaque fois, le peuple n’a pas suivi. Quid de ce dernier ? Au nom de quoi, le FDNC peut refuser le débat constitutionnel et s’arroger le droit de parler au nom du peuple de Guinée ?
A la vérité, tout ce petit monde ne représente que lui-même. L’illusion optique intervient lors des marches sur des itinéraires courts dans la Capitale où subitement le FNDC devient « la cause du peuple ». Si la probité intellectuelle nous amène à reconnaître des mouvements de foule compacts lors des premiers appels à manifester, il n’en demeure pas moins que le souffle est retombé et que le nez des faux révolutionnaires ne fait que s’allonger. La faute est à imputer d’abord à la composition des manifestants. Pour l’essentiel, l’opinion se laisse berner par ce qu’une certaine presse partisane a qualifié de « marée humaine inédite » et qui, pourtant, est bâtie sur les militants de l’UFDG. La société civile -dans son sens originel non galvaudé c’est-à-dire composée de forces non politisées y est ultra-minoritaire. Ce patchwork n’a pas grand chose en commun excepté un dénominateur commun, une seule obsession : le départ d’Alpha Condé et son gouvernement. Dit autrement, le FNDC est en réalité le FNDC (Front National pour Destituer Condé). A elle seule, cette hantise suffit pour justifier des scènes de violences dignes de films d’horreur : vandalisme de bâtiments publics, chasse à l’homme aux forces de défense et de sécurité, menaces de mort à l’endroit des représentants territoriaux, guet-apens sur les artères nationales pour brigander des voyageurs pacifiques, utilisation éhontée de personnes vulnérables lors des marches (handicapés, jeunes enfants…).
Ensuite, depuis le début du mouvement, il n’est pas rare de relever des incohérences dans le dispositif organisationnel et stratégique. N’importe qui, d’où qu’il vienne, où qu’il soit, peut se réclamer du mouvement et partant, agir en son nom. Pour rattraper cette impréparation, les soutiens du mouvement ont inventé l’expression subtile, néanmoins creuse : « le FNDC c’est un état d’esprit »…Celle-ci a vite trouvé ses limites lors des nombreux dérapages enregistrés çà et là au nom du mouvement, mettant dans l’embarras certains responsables.
Enfin, la stratégie tant vantée par les soutiens de ces rassemblements n’est pas si affûtée et résiste difficilement à l’analyse. A part haranguer des foules imaginaires dans les extraits de vidéos à coups de slogans, intoxiquer l’opinion sur les Réseaux sociaux, rien ne pointe à l’horizon au point que les Conakryka vaquent désormais à leurs occupations les jours de manifestation, alors que hormis des antennes dans des grandes villes, de nombreux compatriotes de l’intérieur ne savent pas exactement ce qu’est le FNDC.
Trois exemples illustrent les tensions et le manque de cohérence au sein du FNDC : d’abord, certains membres du FNDC, désemparés, se sont mis à faire une chasse aux sorcières en établissant, au mépris de toute lucidité et de toute légalité, la liste de quelques personnalités jugées proches du pouvoir et « promoteurs du 3è mandat » (sic !). Des adresses de domiciles et des numéros de téléphone de certains hauts cadres de l’administration ont été dévoilés pour les exposer à la vindicte populaire. Des sit-in ont été projetés au devant des résidences à l’étranger de certaines personnalités proches du pouvoir. De vieilles lubies furent exhumées comme la lutte des biens mal acquis pour l’accoler au FNDC. Tout prétexte était bon pour régler des comptes personnels reléguant la question de la démocratie aux calendes grecques. Ces démarches n’étaient pas partagées par tous. Cette fracture entre une aile pacifique et des extrémistes s’est agrandie de plus en plus lors des appels à la violence y compris une incitation publique au meurtre du Chef d’Etat, proférés à l’emporte-pièce lors des meetings.
Le second exemple, non des moindres, qui a coûté au mouvement une vraie démobilisation, c’est la caporalisation dont il fut victime de la part des partis politiques notamment l’UFDG. Beaucoup de soutiens de première heure se sont sentis floués par ce mariage entre la carpe et le lapin.
Enfin, l’aveu d’Abdourhamane Sanoh. Dans une émission matinale de grande écoute, il s’est dévoilé en affirmant que l’un des objectifs du FNDC est « d’améliorer les conditions de vie matérielles des Guinéens et de lutter contre le chômage et la pauvreté». Ce à quoi les journalistes ont rétorqué pour lui rappeler que l’unique but de la lutte du « Front » concerne la Constitution. D’ailleurs, le leader du mouvement s’y voit déjà bien qu’ayant faiblement démenti les rumeurs d’une candidature à la présidentielle de 2020. C’est pourquoi une lutte interne de leadership, mal dissimulée, se joue entre lui et le leader du principal parti d’opposition du pays, Cellou Dalein Diallo. Cette tension affaiblit à nouveau le mouvement qui s’écarte de son combat initial.
Cette courte réflexion ne peut rendre compte des errements d’un mouvement qui, entre la mioctobre et la fin du mois de novembre avait cru qu’il était fondé de légitimité pour renverser le pouvoir dont il avait malheureusement minimisé l’ancrage populaire. Manifestement, le « Front » est aux abois. A ce titre, on peut difficilement résister à la tentation de ne pas s’interroger sur les mobiles de vouloir défendre mordicus une constitution dont tout le monde reconnaît les nombreuses limites. Ce questionnement se transforme en intrigue lorsque les partisans de ce mouvement n’ont pas encore réussi, deux mois après la vulgarisation du projet de nouvelle constitution, à en attaquer juridiquement les dispositions.
Le Président de la République n’a donc pas tort d’affirmer que c’est anti-démocratique de ne pas laisser la vox populis s’affirmer. Le peuple de Guinée a administré la preuve de sa maturité et de son avance sur certaines structures guindées et bureaucratiques. Sa parole ne saurait être confisquée par des représentants auto-proclamés. Il l’exprimera le 22 mars…
- Collectif Citoyen du 22 mars