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Mamady Kaba passe au scanner le statut de chef de file de l’opposition

Dr Mamady Kaba, ancien président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains (INIDH) a passé au scanner le statut de chef de file de l’opposition guinéenne…

TITRE : ANALYSE DU STATUT DE CHEF DE FILE DE L’OPPOSITION GUINEENNE

PREMIERE PARTIE : PROBABLE PORTRAIT ROBOT

En République de Guinée le statut de l’opposition est légal et le chef de file de l’opposition qui prend rang immédiatement après les présidents des institutions Républicaines, selon les règles du protocole d’Etat, est le porte-parole attitré de  l’opposition politique selon  la loi 036 portant statut du chef de file de l’opposition.

Selon la même loi, il est le premier responsable du parti de l’opposition ayant le plus grand nombre d’élus à l’assemblée nationale.

A la lumière de ces dispositions légales, nous pouvons déterminer les principales caractéristiques du chef de file de l’opposition Guinéenne. Ainsi donc, nous en déduisons que le chef de file de l’opposition Guinéenne doit :

  1. Etre membre de l’opposition politique.
  2. Avoir la légitimité populaire et le poids électoral pour représenter l’opposition politique afin de pouvoir en être le porte-parole.
  3. Avoir le plus grand nombre d’élus à l’assemblée nationale.

A l’analyse de ces trois critères fondamentaux, devant caractériser le chef de file de l’opposition, nous pouvons dresser le portrait-robot du chef de file de l’opposition de la neuvième législature de la République de Guinée.

  1. Des membres de l’opposition politique de la République de Guinée

A cet effet les articles 2, 3 et 4 de la loi 036 portant statut du chef de file de l’opposition, dispose :

Article 2 

« Le statut de l’opposition est l’ensemble des règles juridiques permettant aux partis politiques ou alliances de partis politiques de l’opposition de disposer de l’espace qui lui est nécessaire pour participer pleinement et sans entrave à l’animation de la vie politique nationale ».

Article 3 

« L’opposition est constituée de l’ensemble des partis ou groupe de partis qui dans le cadre juridique ont choisi de professer pour l’essentielle des opinions différentes de celles du gouvernement en place. Et de donner une expression concrète à leurs idées dans la perspective d’une alternance démocratique. »

Article 4 

« Le rôle de l’opposition est :

De critiquer les programmes, les décisions et les actions du gouvernement, développer des programmes et proposer des solutions ;

Œuvrer pour l’alternance des pouvoirs par des voies légales ;

Offrir aux citoyens une alternative à la politique définie par la majorité parlementaire.

Outre les lois et les libertés fondamentales, reconnues à tout citoyen, l’Etat garantit à l’opposition l’exercice des libertés publiques conformément aux lois et règlements.

Pour être un parti politique de l’opposition, il faut faire  une déclaration officielle et publique de son appartenance et la faire enregistrer au ministère chargé des partis politiques.

Cette déclaration qui est rendue publique intervient dans le mois qui suit la proclamation des résultats de chaque élection nationale.

A la lumière de ces dispositions légales, nous pouvons déterminer les critères permettant d’identifier les membres de l’opposition politique en République de Guinée.

Les critères d’identification des membres de l’opposition Guinéenne.

Pour être membre de l’opposition Guinéenne, il faut :

  1. être exposé aux risques d’être privé de  « l’espace qui est nécessaire pour participer pleinement à l’animation de la vie politique nationale ». Cela veut dire qu’il ne faut pas être un parti avec lequel  le pouvoir Guinéen partage, de bon gré, l’espace politique car, à cause de son caractère contraignant, la loi ne dispose que pour ce qui ne peut  être obtenu que sous contrainte. Autrement dit, la différence entre un allié du pouvoir et un  parti de l’opposition en Guinée, est que l’allié, contrairement à l’opposition, n’a pas besoin de loi ni d’autres formes de contraintes pour disposer de l’espace nécessaire pour participer à l’animation de la vie politique nationale.
  2. il faut être exposé aux risques d’entraves pour participer pleinement à l’animation de la vie politique nationale : Cela implique que les partis d’opposition sont ceux qui subissent des entraves lorsqu’ils jouissent ou tente de jouir de leurs droits civils et politiques. Les alliés du pouvoir renoncent, volontiers à la jouissance desdits droits.
  3. Il faut professer  pour l’essentielle des opinions différentes de celles du gouvernement en place
  4. Il faut avoir besoin de garantie de l’Etat pour l’exercice des libertés publiques.
  5. Il faut agir en faveur d’une alternance démocratique : Tout parti militant pour le statuquo est un allié du pouvoir.
  6. Il faut offrir aux citoyens une alternative à la politique définie par la majorité parlementaire : tout  parti qui s’aligne sur l’essentielles des positions définies par la majorité parlementaire est un allié du pouvoir.
  7. «…Pour être un parti politique de l’opposition il faut faire  une déclaration officielle et publique de son appartenance et la faire enregistrer au ministère chargé des partis politiques. Cette déclaration qui est rendue publique intervient dans le mois qui suit la proclamation des résultats de chaque élection nationale ».
  • De la légitimité d’être porte-parole de l’opposition

Pour représenter valablement l’opposition Guinéenne, le chef de file doit incarner la sensibilité politique de l’écrasante majorité des populations et des électeurs qui ont une opinion différente de celle du pouvoir en place.

Une analyse de la sociologie politique de la Guinée démontre aisément que l’opposition représente plus ou moins 40 % de l’électorat. Il est alors logique que le chef de file de l’opposition doit être celui en qui une écrasante majorité de cet électorat se reconnait.

  • Du plus grand nombre de députés à l’assemblée nationale

Le chef de file de l’opposition doit disposer d’un groupe parlementaire capable de porter des projets alternatifs à ceux définis par la majorité parlementaire.

DEUXIEME PARTIE : LE PROFIL DU CHEF DE FILE DE L’OPPOSITION DE LA NEUVIEME LEGISLATURE EN REPUBLIQUE DE GUINEE.

Le 22 Mars 2020, la Guinée a organisé un double scrutin législatif et référendaire boycotté par les poids lourds de l’opposition Guinéenne et qui a abouti à la mise en place de la neuvième législature. La question relative au chef de file de l’opposition défraie la chronique. Elhadj Mamadou Sylla, Président du parti UDG, n’est pas reconnu par une partie de l’opposition comme chef de file de l’opposition Guinéenne. Une étude comparative peut contribuer à départager les protagonistes.

Analysons les critères établis ci-haut afin de comprendre, dans quelle proportion Elhadj Mamadou Sylla y répond.

  1. Elhadj Mamadou Sylla est-il membre de l’opposition Guinéenne ?

Pour répondre à cette question, il est important de nous référer aux critères ci-après :

  1. Elhadj Mamadou Sylla est-il exposé aux risques d’être privé de  « l’espace qui lui est nécessaire pour participer pleinement à l’animation de la vie politique nationale » ?

Apparemment non. Lors d’une sortie médiatique le vendredi 05 Mars 2021, Elhadj Mamadou Sylla a fustigé le recours à la rue et a affirmé que c’est un moyen d’envoyer les enfants à la boucherie. Il a même affirmé qu’il n’aura plus recours à la rue.

Or, les manifestations sur les voies et places publiques sont des moyens légaux à la disposition de l’opposition pour exercer des pressions sur le pouvoir en place afin de l’emmener à tenir compte des préoccupations de l’opposition.

Renoncer à ce droit équivaut à avoir l’assurance qu’il ne sera jamais nécessaire d’y recourir. Cela suppose deux axes probables de réflexion :

  • L’assurance qu’on peut tout obtenir sans manifestation ;
  • L’assurance qu’on ne revendiquera rien que le pouvoir ne puisse pas accorder sans manifestation.

Dans un cas comme dans l’autre, cela voudrait dire qu’Elhadj Mamadou Sylla compte pouvoir obtenir tout ce qu’il veut par le dialogue, autrement dit que les portes du dialogue ne lui seront jamais fermées, quel qu’en soit les circonstances et qu’aucune réaction du pouvoir ne pourra l’emmener à manifester sur les voies et places publiques.

Une telle assurance ne peut exister que chez un allié du pouvoir. Il faut noter qu’Elhadj Mamadou Sylla ne court aucun risque en rapport avec les trois premiers critères définis dans le portrait-robot

  • Elhadj Mamadou Sylla travaille-t-il pour l’alternance politique en Guinée ?

Pour répondre à cette question,  il faut analyser le positionnement d’Elhadj Mamadou Sylla depuis 2010. Cela nous permet d’obtenir le récapitulatif suivant :

  • Elhadj Mamadou Sylla a soutenu le professeur Alpha Condé au second tour de l’élection présidentielle de 2010, au cours duquel ce dernier a été élu Président de la République de Guinée ;
  • En 2013, Elhadj Mamadou Sylla a été élu député sur la liste du RPG, parti au pouvoir ;
  • En 2015, Elhadj Mamadou Sylla a soutenu la candidature du professeur Alpha Condé aux élections présidentielles ;
  • En 2020, Elhadj Mamadou Sylla a renoncé à sa candidature aux élections présidentielles et soutenu celle du Président Alpha Condé.

A la lumière de ce positionnement sur l’échiquier politique national, il est évident qu’Elhadj Mamadou Sylla et son parti comptent parmi les meilleurs alliés du Président Alpha Condé et du parti au pouvoir.

  • Elhadj Mamadou Sylla a-t-il fait une déclaration publique de son appartenance à l’opposition Guinéenne dans le mois qui a suivi la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 où du double scrutin législatif et référendaire du 22 Mars 2020 ?

Evidemment, non. Elhadj Mamadou Sylla n’a jamais fait une telle déclaration. Au regard de ce qui précède nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, qu’Elhadj Mamadou Sylla et son parti ne sont pas de l’opposition Guinéenne ; ce sont des alliés privilégiés du Président de la République et de la majorité parlementaire.

B– Elhadj Mamadou Sylla  est-il assez légitime pour parler au nom de l’opposition Guinéenne ?

Pour répondre à cette question, il faut analyser le microcosme politique Guinéen afin d’y retrouver la place occupée par Elhadj Mamadou Sylla et son parti.

Notons qu’au moins 90% de l’électorat de l’opposition Guinéenne appartient à UFDG de Cellou Dalein Diallo, à l’UFR de Sidya Touré et au PEDN de Lansana Kouyaté. N’ayant pas la reconnaissance et la collaboration de ceux-ci, Elhadj Mamadou Sylla, avec quatre députés (moins de la moitié du nombre de députés nécessaires pour former un groupe parlementaire), manque de légitimité pour parler au nom de l’opposition Guinéenne.

Dans les conditions actuelles, il est important de faire remarquer que le député Abdoulaye Kourouma du RRD, qui a un député et considéré comme membre de l’opposition a plus de légitimité qu’Elhadj Mamadou Sylla pour porter la voie de l’opposition au sein du parlement.

C) Conclusion :

Après une analyse objective des critères pertinents, tirée de la loi 036, nous pouvons dire qu’Elhadj Mamadou Sylla :

  • N’est pas de l’opposition Guinéenne ;
  • Est un grand allié de la majorité parlementaire ;
  • N’est pas suffisamment légitime pour porter la voie de l’opposition.

Par conséquent, Elhadj Mamadou Sylla ne peut pas être considéré comme le chef de file de l’opposition Guinéenne.

Il nous semble nécessaire, pour préserver la paix, l’unité nationale et consolider les acquis de la démocratie et de l’Etat de droit, d’engager le pays dans un processus de dialogue inclusif, avec des personnalités crédibles, afin d’offrir au peuple de Guinée la quiétude à laquelle il aspire.

Vive la Guinée !

Vive la paix et l’unité nationale !

Vive la démocratie et l’Etat de droit.

Docteur Mamady Kaba,

Enseignant chercheur et Membre Associé du Groupe de Recherche Interdisciplinaire en Droits de l’enfant, de l’Université de Moncton (Canada)

Président de la Ligue pour les Droits et la Démocratie en Afrique (LIDDA)

Ancien de l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains (INIDH)

Téléphone : (+224-622-595-289)

Email : mamady2018kaba@gmail.com

Conakry-Guinée