L’acquittement de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé par la Cour pénale internationale (CPI) montre finalement que le bureau du procureur dirigé par la gambienne Fatou Bensouda à très mal fonctionné dans cette affaire et qu’il a aussi fait preuve d’incroyables incompétences dans le montage du dossier d’accusation . Certaines preuves accablant Gbagbo portaient sur des faits qui s’etaient déroulés au Kenya et non en Côte d’Ivoire, comble du ridicule!
En réalité, Fatou Bensouda s’est carrément laissée guider par la passion dans la poursuite de ces deux accusés. Une catastrophe réparée tardivement par les juges qui ont finalement prononcé l’acquittement. Ceci dit, les responsables du massacre des 3000 civils ivoiriens sont encore dans la nature dans une totale impunité, au grand malheur de leurs proches et de la conscience universelle.
Il convient toutefois à ce stade de se rendre à l’évidence. Aussi longtemps que les dirigeants des anciennes forces nouvelles resteront au pouvoir en Côte d’Ivoire, il est inimaginable de les voir rendre compte de ce qu’ils auraient pu poser comme actes et faits dans le massacre de ces 3000 civils. Ainsi, l’échec de la CPI de situer les responsabilités dans le massacre des civils en Côte d’Ivoire risque d’ajouter une nouvelle couche de complication au processus de réconciliation entre les fils et filles de ce pays.
La difficulté de traduire en justice les vainqueurs d’un conflit armé et l’extraordinaire facilité d’y traduire les perdants, conduit nombre de personne à qualifier, non sans raison, la CPI de tribunal de vainqueurs. Ce sentiment a pour effet de miner toute la confiance que le justiciable est en droit de placer dans une justice Indépendante. La CPI prend un grand coup dans cette affaire et son image en sera certainement affectée.
L’idée d’une juridiction pénale internationale instituée à titre permanent est en effet une vieille réclamation depuis les atrocités commises sur les populations civiles au cours de la deuxieme guerre mondiale pour pouvoir punir les auteurs des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. L’avènement de la CPI était donc en soi un événement heureux.
Mais le problème de cette juridiction est qu’elle donne l’impression, du moins en Afrique, d’être toujours dirigée contre les perdants d’un conflit armé et jamais contre les personnes au pouvoir. Un autre problème, non le moindre est que les ressortissants de certains États puissants et permanement en guerre échappent à cette juridiction. Il s’agit des États unis et d’Israël, qui n’ont pas ratifié le traité de Rome qui institue la CPI.
L’administration Trump avait émis récemment des sanctions unilatérales contre Fatou Bensouda qui envisageait d’enquêter sur certains crimes internationaux impliquant les ressortissants américains en Afghanistan. Même si ces sanctions sont aujoudhui levées par Joe Biden, le nouveau locataire de la Maison Blanche, il n’en demeure pas moins que son administration aussi reste intraitable sur l’idée d’ouvrir une quelconque enquête contre les ressortissants américains.
Au final, la consolidation d’une juridiction pénale internationale comme la CPI doit demeurer pour pouvoir sanctionner les auteurs des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans le monde. Mais le bureau du procureur de la CPI doit serieusement tirer certaines leçons de la periode sombre de Fatou Bensouda, notamment en matière d’élaboration d’un dossier d’accusation et de son orientation, débarrassée de tout préjugé ou ingérences politiques.
Les Etats du monde aussi, surtout les plus puissants devraient ratifier le Traité de Rome qui a donné naissance à la CPI, afin que son universalité soit affirmée et qu’elle cesse d’être perçue comme instrument international de répression dirigé contre les ressortissants des pays pauvres et faibles d’Afrique et d’ailleurs.
Youssouf SYLLA