08 avril 2021. 32 députés européens écrivent une lettre à Josep Borell, Haut-Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité sur la situation des droits de l’homme en Guinée. En substance, les euro-députés s’interrogeaient sur deux questions : « Comment l’UE compte-t-elle mettre en action son nouvel instrument de sanction pour sanctionner ces personnalités responsables de violations des droits de l’homme en Guinée ? » et « Comment l’UE s’assure-t-elle que ces fonds ne viennent pas alimenter des institutions de maintien de l’ordre qui ne respectent pas le minimum des standards requis? ». 12 mai 2021. Le destinataire répond positivement à ces interrogations en indiquant d’une part la prise de sanctions individuelles contre cinq présumés auteurs des massacres du 28 septembre 2009 et d’autre part, l’engagement d’ouverture d’un dialogue politique avec les autorités du pays. Pour en parler, il nous est nécessaire d’examiner les fondements de cette sanction avant d’en lister les éléments fondamentaux et d’en évaluer l’efficacité.
Fondements des sanctions individuelles pour le respect des droits de l’homme
D’emblée, la responsabilité de respecter et faire respecter les droits de l’homme incombe à tout le monde. L’article 28 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme nous y invite : « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet. ». Plus spécifiquement, l’Union européenne s’y est engagée depuis le début de la construction européenne. Les conditionnalités de l’aide au développement au respect des droits de l’homme et des principes de l’Etat de droit contenus dans les Accords de Cotonou sont une illustration. Au régime global de sanctions, l’Union européenne a adopté un nouveau régime contre les auteurs de violation des droits de l’homme dans le monde, le 07 décembre 2021, régime dont il faudra examiner les diverses batteries qui suivent.
Nature des sanctions individuelles et leur efficacité pour le respect des droits de l’homme
La nouvelle loi sanctionne les personnes physiques ou morales, étatiques ou non, auteures de violations des droits de l’homme, sans égard de leur nationalité ou de l’endroit de la commission de l’infraction. Les sanctions consistent en l’interdiction d’entrée et au gel des avoirs dans l’Union européenne des personnes sous sanction comme le cas des cinq personnes ciblées dans le dossier du 28 septembre 2009 en Guinée.
L’innovation majeure est le dépassement des sanctions sectorielles (industrie ciblée) et territoriales (zone spécifique). On pourrait même évoquer par euphémisme une sorte de principe de compétence universelle au niveau du droit communautaire. Ce ne sont plus des sanctions aveugles qui peuvent toucher aux populations civiles mais des individus bien situés. Elle puise sa force dans son mode d’adoption : l’unanimité et non la majorité qualifiée. Ces sanctions strictement ciblées peuvent produire des effets positifs dans le cadre du respect des droits de l’homme. Elle est proche de la Magnitsky act américaine de 2012 qui est cependant plus large en s’étendant à la corruption.
Pour terminer, nous estimons que le respect des droits de l’homme en général, le jugement dans les meilleurs délais de l’affaire des massacres du 28 septembre 2009, la poursuite des autres cas de même nature et surtout l’ouverture d’un dialogue franc et direct entre tous les acteurs socio-politiques en Guinée entreraient dans la consolidation de l’Etat de droit au pays.
Conakry, le 17 mai 2021
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour