Parmi les nombreuses difficultés de l’Afrique, la plus malheureuse est la recrudescence du terrorisme violent qui frappe les États d’Afrique centrale et occidentale. Le Burkina Faso, le Mali, le Niger et d’autres pays de la région ont connu une crise sécuritaire.
La communauté internationale a travaillé dur pour maîtriser la situation. On signale régulièrement des cas de décès et de blessures de soldats de la paix, et de grosses sommes d’argent sont dépensées pour les missions de l’ONU dans la région. Les Français apportent également leur contribution, avec l’opération Barkhane au Tchad, au Burkina Faso, au Mali, en Mauritanie et au Niger.
Pourtant, rien ne semble pouvoir arrêter les activités des insurgés islamistes dans la région. Les groupes terroristes tuent des centaines de civils et profitent d’activités criminelles pour développer leurs affaires illégales. De plus, ils font des affaires douteuses avec certaines entreprises occidentales. La communauté internationale devra faire beaucoup plus pour mettre fin à la violence en Afrique centrale et occidentale.
Cette région connaît une crise de sécurité à plusieurs niveaux. Tout d’abord, nous assistons à une violence permanente au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigeria, en République centrafricaine, au Cameroun, en Mauritanie et ailleurs. La région devient un bastion militant et une plaque tournante pour un certain nombre de groupes islamistes affiliés à Al-Qaïda et au Daech, tels que « l’Etat islamique dans le Grand Sahara » et « Ansarul-Islam ».
Deuxièmement, les insurgés islamistes sont mieux armés et équipés que les forces de sécurité. À la suite de la guerre civile libyenne, de vastes étendues de territoire dans le sud sont devenues une zone d’instabilité par laquelle des groupes criminels libyens fournissent des armes et des véhicules aux islamistes radicaux. Les armes et les véhicules en provenance de Tripoli sont utilisés par les terroristes islamistes à des milliers de kilomètres de là, dans des conflits d’une ampleur inconnue jusqu’alors en Afrique.
Troisièmement, la communauté internationale a échoué à contrôler le militantisme. La situation au Mali montre clairement que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a été insuffisante pour contrôler la violence. Les forces françaises semblent également avoir été moins efficaces et, pire encore, la France va retirer une force de 2 000 soldats de la région du Grand Sahara au début de l’année prochaine.
Si les mesures nécessaires ne sont pas prises pour rétablir la sécurité, les pertes civiles et celles des forces de sécurité ne cesseront d’augmenter. Les attentats terroristes sont devenus un événement quasiment quotidien. Le 8 août, un attentat a eu lieu au Burkina Faso. Des militants ont tendu une embuscade aux forces de sécurité du Burkina Faso dans le nord-ouest, près de la frontière malienne. 12 personnes ont été tuées, 8 blessées et 7 disparues. Une autre attaque terroriste a eu lieu au Mali le 8 août 2021. Les militants maliens ont mené trois raids concertés sur des villages près de la frontière avec le Niger. Le bilan est de 50 morts, les maisons ont été dévastées et les troupeaux de bétail pillés. Ce ne sont que quelques exemples.
Par ailleurs, les militants peuvent tenter de prendre le contrôle du pétrole et d’autres ressources naturelles. Les islamistes du Niger, du Nigeria et du Cameroun prétendent se battre au nom de leurs idées islamistes, mais en réalité, ils sont motivés par l’argent. Si dans le passé, ils s’enrichissaient grâce à la contrebande et au trafic de drogue, leurs profits ont aujourd’hui chuté à cause de la pandémie. Ils cherchent à diversifier leurs sources de financement pour maintenir leurs activités terroristes. Une tendance inquiétante se dessine en Syrie. Il s’agit de la compagnie pétrolière américaine Delta Crescent Energy.
L’entreprise prépare un champ de réserves pétrolières à exploiter dans la zone contrôlée par les Kurdes. Les opérations de la société ont été rendues possibles grâce à une licence rare qui lui a permis de contourner les sanctions. « Financial Times » rapporte que le pétrole intéresse les contrebandiers ainsi que les commerçants véreux du nord de l’Irak.
Selon certaines informations, 40 à 60 camions transportant du pétrole en Irak depuis le gouvernorat d’Hassaké passent chaque semaine par le poste frontière illégal d’al-Walid. Le pétrole syrien est également acheminé en contrebande vers d’autres pays, comme la Turquie. Une autre menace est que les militants islamistes opérant en Afrique centrale et occidentale puissent perturber l’ordre dans la région.
La menace sécuritaire émergente se développe désormais même dans des pays africains plus ou moins prospères, notamment en Guinée équatoriale, qui possède d’importants gisements de pétrole susceptibles d’intéresser les militants. Le pays a des relations tendues avec la France et le Royaume-Uni, qui ont imposé des sanctions anticorruption envers le vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue pour corruption et détournement de fonds publics. Les analystes estiment qu’en raison de son antipathie à l’égard du régime, l’Europe hésitera à soutenir militairement le pays si des groupes militants s’y engouffrent.
On voit des groupes islamiques militants détruire des communautés en Afrique occidentale et centrale. La crise sécuritaire qui se déroule actuellement est multidimensionnelle. Elle se caractérise par une violence généralisée et omniprésente, alimentée par l’anarchie, l’impunité et l’effondrement d’États tels que la Libye et la Syrie, qui sont devenus une source d’armes, d’équipements et de revenus pétroliers pour les terroristes liés à Al-Qaïda et au Daech.
Le déséquilibre des pouvoirs entre les insurgés et les services de sécurité ne cesse de s’accentuer : les groupes terroristes sont mieux armés, leurs activités sont florissantes et se diversifient. Un autre facteur de la crise est l’incapacité apparente des forces de maintien de la paix des Nations unies et des troupes internationales à prendre des mesures pour changer la situation. Si le statuquo se maintient, les pertes civiles augmenteront, davantage de fonds provenant de la contrebande de pétrole serviront à financer des activités terroristes et l’instabilité s’étendra à toute la région.
Omar Mbiko
Journaliste, publiciste
Spécialiste de l’Afrique centrale et de l’Ouest.