Ahmed Kourouma, il était une fois, une voix, des lunettes de soleil et une carte de la Guinée toujours sur le cœur. Ahmed Kourouma était une grande gueule, un polémiste né, dans le sens de provoquer ses interlocuteurs pour les sortir de leur zone de confort, c’était un adepte de la disgression. Il n’aimait ni les sentiers battus, ni les analyses de bas étage, d’ailleurs, il détestait la médiocrité. Plus ça volait haut, plus il prenait son pied et mieux se portait sa conscience citoyenne.
Délibérément différent, il assumait sa singularité cultivée au gré de ses lectures fouillées, de ses riches expériences professionnelles et de ses nombreux voyages. Sa riche culture générale lui venait sans doute aussi des innombrables affrontements verbaux et des battles d’idées qu’il affectionnait tant. Le débat était son carburant, peu importe qu’il dise des choses sensées ou erronées, c’est la confrontation qui le stimulait, il aimait défier la nuit afin qu’elle accouche vite du jour, de ce jour nouveau dont il a tant rêvé pour la Guinée. Ce jour dont il voulait tellement contribuer à son avènement.
Ahmed Kourouma aimait parler beaucoup et fort. Il adorait réfléchir haut car n’ayant rien à cacher et affectionnant le partage. Avec sa voix imposante et agréable à écouter, cette propension, cette obsession disruptive cachait un homme qui avait une tête pleine et bien faite, quelqu’un qui avait gros sur le cœur, une personne qui débordait de générosité, un intellectuel dont le principal objectif était d’obtenir un espace de mise en œuvre de ses compétences.
C’est en cela que je vais saluer ici le flair et la capacité de détection de perles rares de Lamine Guirassy, qui a très tôt vu et su qu’Ahmed était une belle grande gueule.
Ses coups de gueule sur Espace FM et ses contributions au débat politique, ce citoyen frustré par l’anormalité des choses était à la recherche de ce qu’il est difficile d’obtenir chez nous: la reconnaissance de son talent et la certification de sa différence.
Malheureusement, parler différemment, analyser autrement, agir séparément n’est pas le chemin le plus court pour briller chez nous.
Ahmed Kourouma n’a donc pas réussi à nous faire comprendre son message, soit il l’avait mal codé, soit nous n’avons pas su, pu, le décoder. Peut-être aussi, que nous n’avions pas le temps de décrypter ce qui se cachait derrière ces remontrances qui le rendaient bavard et parfois insupportable, ces sorties de piste que nous aurions tant aimé faire si nous n’avions pas cette fausse crainte du qu’en dira t’on.
Ahmed Kourouma prêchait autre chose, le mieux-être intellectuel, spirituel et universel. Avec maladresse parfois, avec insistance tout le temps, avec conviction obligatoirement.
Alors que nous sommes nombreux à chercher à voir raison, Ahmed Kourouma lui parlait à notre raison, pas pour lui dire ce qu’elle veut entendre, mais pour exprimer la frustration de nos errances quotidiennes.
Ahmed Kourouma avait l’audace de ses opinions, la verve de sa vision, le verbe de sa volonté et le culot de ses convictions.
Il ne laissait volontairement personne indifférent, car son but n’était pas de faire comme tout le monde, sa mission était de choquer pour plaire, sa raison d’être était d’interpeller nos consciences citoyennes quitte à déplaire.
Ahmed Kourouma était un talent universel made in Guinée et il nous rendait fiers.
A l’écoute des témoignages et au regard de votre mobilisation, on ne prend aucun risque en disant qu’Ahmed Kourouma aura réussi la sienne.
A nous d’accomplir la nôtre.
D’ici là, repose en paix Ahmed Kourouma.