Les autorités de Ouagadougou ont demandé le départ des troupes françaises de son sol d’ici un mois, selon une lettre du ministère des Affaires étrangères adressée à Paris et daté de mercredi.
Après le Mali, le Burkina Faso ? Le gouvernement burkinabé « a dénoncé l’accord qui régit depuis 2018 la présence des forces armées françaises sur son territoire », a indiqué ce week-end l’Agence d’information burkinabée (AIB). Depuis le coup d’État qui a porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir en septembre, les relations se dégradent entre Paris et Ouagadougou. Comme à Bamako, la tentation russe pousse à rompre avec l’ancien allié et puissance coloniale. Moscou manœuvre pour évincer la France de son ancienne zone d’influence.
Un courrier du ministère des Affaires étrangères burkinabé, adressé à Paris et daté de mercredi, dénoncerait l’accord du 17 décembre 2018 «relatif au statut des forces armées françaises intervenant» dans le pays, précisant qu’un «délai de préavis d’un mois» est imposé par cet accord.
Emmanuel Macron a dit dimanche attendre « des clarifications » de la part du Burkina Faso. Il a expliqué vouloir attendre que le président de transition Ibrahim Traoré « puisse s’exprimer ». « Je pense qu’il faut garder beaucoup de prudence » a-t-il ajouté.
À Paris, on estime que le pouvoir burkinabé est encore divisé sur la question de la présence française dans le pays. L’option d’un départ est pourtant étudiée depuis plusieurs semaines. Le ministre Sébastien Lecornu avait publiquement évoqué l’hypothèse.
Début janvier, la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou s’est rendue à Ouagadougou pour une « visite de courtoisie » quelques jours après que l’ambassadeur de France, Luc Hallade, avait été jugé indésirable par les autorités burkinabées. « La France est en mesure de faire moins ou de faire plus », avait-elle expliqué, en assurant ne vouloir « influencer aucune décision ». Officiellement, il n’avait pas été question de la présence militaire française. Face à un vent antifrançais grandissant, Paris, et en premier lieu l’état-major, a choisi de faire profil bas.
Le scénario malien peut-il se reproduire ? L’armée française a quitté définitivement le Mali en août, près de dix ans après le début de son intervention contre les groupes djihadistes qui sévissent au Sahel. Dans cette architecture, le camp de Kamboinsin au Burkina Faso occupait un point clé. Entre 400 et 500 soldats français sont basés à Ouagadougou, dans le cadre de la task force Sabre, les forces spéciales qui appuyaient l’opération Barkhane. Outre des missions de formation, ces soldats étaient sollicités en cas de libération d’otages.
« Le départ français est une question de temps », estime avec fatalisme le spécialiste du Sahel Élie Tenenbaum. Pour le directeur du centre d’études de sécurité de l’Ifri, le pouvoir « très fragile » du capitaine Traoré veut désormais « mettre la France dehors ». Alors que l’armée française avait choisi de s’implanter à Ouagadougou en 2008 en raison de la stabilité du pays, le chercheur souligne l’effondrement rapide du Burkina Faso : la situation sécuritaire se dégrade dans le nord du pays, désormais hors de contrôle des forces de sécurité.
Une guerre d’influence
Pour garantir leur pouvoir, les putschistes espèrent l’appui de la Russie. Dans une guerre ouverte d’influence, le Kremlin manœuvre pour affaiblir la France en Afrique. Les mercenaires du groupe Wagner sont présents au Mali, en Libye, au Soudan et en Centrafrique. Des manifestations antifrançaises ont été organisées au Burkina Faso ces derniers mois. Les réseaux sociaux sont un autre terrain visible de cette offensive. Ces derniers jours, des vidéos, sous forme de dessins animés, ont servi à dénigrer les soldats français présentés sous forme de rats ou de zombies. Face à ces « envahisseurs », les soldats africains étaient aidés par des soldats russes… L’impact de ces vidéos est difficile à mesurer. « Les comptes qui les ont relayés étaient les mêmes que ceux qui avaient relayé la manipulation de Gossi », explique une source militaire. L’année dernière, Wagner avait tenté de faire accuser Barkhane d’exactions avant d’être pris en flagrant délit.
Le retrait des troupes françaises du Burkina Faso ne devrait pas représenter un défi logistique. Mais il pose avec encore plus d’urgence la question de la stratégie française en Afrique. L’armée est encore déployée au Niger, pour lutter contre les groupes djihadistes dans la région des Trois Frontières, et au Tchad, avec qui la France a noué un partenariat de longue date. La France compte aussi des forces prépositionnées au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon.
À l’Élysée, on a mis sur la table la fermeture de ces bases permanentes à Dakar et à Abidjan dans l’espoir de faire cesser les récriminations contre l’influence de Paris. « Sans présence, il n’y aura ni sécurité ni influence », a prévenu Élie Tenenbaum dans une tribune parue la semaine dernière dans Le Monde. Entre la France et ses interlocuteurs africains, les consultations sont toujours en cours pour définir de futurs partenariats. « Je parlerai prochainement de ce qui nous lie à l’Afrique », a déclaré le président de la République Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées. Un lien qui s’effiloche chaque semaine un peu plus.