Le procès Bygmalion s’est ouvert jeudi devant le tribunal judiciaire de Paris, en l’absence remarquée de Nicolas Sarkozy, jugé pour les dépenses excessives de sa deuxième campagne présidentielle en 2012.
Après un faux départ en mars, le procès de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion a repris, jeudi 20 mai, mais sans l’ex-président français, soupçonné de corruption et trafic d’influence et qui encourt un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
Contrairement à ses 13 coprévenus – anciens cadres de Bygmalion et de l’UMP, experts-comptables – renvoyés pour usage de faux, escroquerie et abus de confiance, délits relevant du code pénal et donnant lieu à des peines bien plus lourdes, Nicolas Sarkozy est poursuivi pour « financement illégal de campagne électorale ».
Retour sur les faits
L’affaire est révélée dans la presse le 27 février 2014. Le Point affirme qu’Event and Cie, filiale de la société de communication Bygmalion fondée par deux proches du président de l’UMP, aurait surfacturé au parti des prestations pendant la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, empochant « au moins 8 millions d’euros » hors appel d’offres.
Jérôme Lavrilleux, directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy, se livre à son tour dans une étonnante interview, en mai 2014, où il éclate en sanglots. Ce proche de Jean-François Copé reconnaît sur BFMTV avoir participé à un système de double comptabilité et de fausses factures. Il est ensuite mis en examen, notamment pour complicité de financement illégal de campagne électorale, le 15 juin 2015.
Une campagne éclair
L’enquête a décrit une campagne qui se voulait d’abord « éclair » pour le président sortant – seuls une quinzaine de meetings prévus, dont trois ou quatre grands rassemblements. Mais la machine s’emballe : « moyens techniques les plus en pointe » pour la scène, le son et l’éclairage, « mise en scène grandiose et millimétrée » pour les grands meetings… les prix n’en finissent plus de grimper.
Et alors que les premières alertes de risques de dépassement tombent, le candidat demande au contraire qu’on accélère le rythme. Il y aura au total plus de 40 meetings. Une campagne « d’une rare densité », marquée par une succession « très rapide » des meetings et une « totale improvisation » des donneurs d’ordre, dit aussi l’accusation.
Pour éviter au candidat Sarkozy de devoir reconnaître publiquement que ses dépenses avaient dérivé « de manière spectaculaire », « avec les conséquences politiques et financières » qui s’en seraient suivies, il a été décidé de « purger » le compte de campagne, soutient l’accusation.
Grâce à un système de double facturation, le prix des meetings est drastiquement réduit et le reste est facturé à l’UMP, au nom de conventions fictives du parti.
Renvoyé pour escroquerie, le directeur de la campagne, Guillaume Lambert, assure lui que le système a été mis en place à son insu. Pour lui, « rien » dans le dossier ne montrerait d’ailleurs un lien avec la campagne – il privilégie la thèse de l’enrichissement personnel de dirigeants de Bygmalion.
« Personne n’a détourné d’argent »
« Objectivement, personne n’a détourné d’argent ou ne s’est enrichi dans cette affaire », a confié, lundi, Jérôme Lavrilleux dans un entretien au Courrier Picard. Aujourd’hui retiré de la vie politique, gérant des gîtes en Dordogne, il est le seul prévenu à assumer ses responsabilités.
Parmi les autres prévenus appelés à comparaître figurent également Franck Attal, Guy Alvès et Bastien Millot, dirigeants du groupe Bygmalion, Guillaume Lambert, directeur de la campagne de l’ex-président, et Éric Césari, directeur général de l’UMP.
Jean-François Copé a lui bénéficié d’un non-lieu dans cette affaire, et ne sera entendu que comme témoin. Il a fait savoir par son avocat Me Hervé Temime qu’il répondrait à « l’ensemble des questions » lors de son audition, prévue le 27 mai.
Entendu par la police sur ce dossier le 4 septembre 2015, Nicolas Sarkozy, au moment où il est président des Républicains (ex-UMP), qualifie de « farce » l’idée d’un dérapage financier de sa campagne présidentielle. Il « ne (met) pas en doute l’existence d’un système de fausses factures » entre l’UMP et Bygmalion, mais affirme que ni lui ni ses collaborateurs « n'(ont) pu en être informés ». Devant les enquêteurs, il indique continuer à se « demander où est passé l’argent », estimant que le prix moyen de ses meetings était « en ligne » avec ceux de son opposant François Hollande. Le procès doit durer jusqu’au 22 juin.
Avec AFP