Gouverner autrement : Oui, c’est bien possible !

Dans l’euphorie de cette énième transition militaire, le colonel Doumbouya, puisqu’il s’agit de lui, lance ainsi une main tendue à ses frères d’armes, et au peuple pour qu’ensemble nous mettions un terme à ce système qui est caractérisé par des institutions débiles et inféodées à un seul homme à la tête de l’exécutif.

Il n’est un secret pour personne que la Guinée, depuis son indépendance, a toujours été une république politiquement instable, socialement émouvante, et économiquement désastreuse. Et c’est dans cette situation que le colonel Doumbouya entreprend une nouvelle transition acquise en mettant fin au 3e mandat de trop du désormais ancien président Alpha Condé.

Tout en exprimant ma joie immense face à cette nouvelle transition salvatrice, je m’adresse pour la première fois au président Colonel Doumbouya en lui rappelant cette citation célèbre de Montesquieu qui disait que « il est mille fois plus aisé de faire le bien que de le bien faire ».

Depuis votre arrivée à la tête de l’exécutif, à travers le CNRD, vos actes posés sont rassurants. Vous faites le bien et cherchez à le bien faire malgré les difficultés ! Et c’est d’ailleurs ce qui compte. Personne ne devrait attendre de vous la baguette magique. Chacun doit jouer son rôle pour qu’ensemble, au fil du temps, on arrive à bien faire le bien. La perfection, c’est du domaine devin, et c’est pourquoi je vous déconseille d’y croire. Cherchez plutôt le perfectionnement car c’est exactement de ce que nous aspirons du jour au jour ; il est la seule arme de triomphe !

Monsieur le président, vos discours lors des journées de concertation que vous aviez initié, donnent de nouvel espoir à tout un peuple. Rappelons que sous la gouvernance d’Alpha Condé, les clivages ethniques et régionaux avaient atteint un point culminant.

Les discours ethniques poignants de l’ancien président, les atrocités policières ciblées contre des citoyens dans les fiefs de ses adversaires politiques, et les incarcérations arbitraires de cadres et militants de l’opposition avaient gravement terni l’image de la Guinée.

Mon colonel, dès votre prise du pouvoir le 5 Septembre dernier, vous avez pris le devant pour mettre fin à ces manquements graves afin de rétablir les principes républicains que vous aviez juré de défendre en tant que militaire et patriote. Aujourd’hui, c’est toute une nation qui vous acclame.

Il n’est un secret pour personne que seule une Guinée réconciliée en elle-même peut nous conduire vers un progrès durable. Cela signifie entre autres, bannir l’injustice, établir les institutions fondamentales de la république en renforçant leur indépendance par rapport au pouvoir exécutif, et garantir les droits des citoyens.

Tout en tenant compte des faits décrits ci-dessus, voici mes 3 recommandations, en tant que consultant, sur des actions immédiates et incontournables qu’il faut entreprendre pour insuffler une dynamique à votre nouvelle gouvernance.

  1. Faire l’état des lieux à travers des audits

Il faut impérativement auditer le régime d’Alpha Condé. Il faut qu’on sache pourquoi les projets d’infrastructures énergétiques et routières tardent à se concrétiser bien que l’exportation de la bauxite et d’autres minerais précieux aurait plus que triplé durant les dix dernières années. Selon les résultats des consultations du FMI au titre de l’article IV avec la Guinée publiés le 30 juin 2021, « malgré une forte croissance globale du PIB de 7,1% en 2020, portée par un secteur minier dynamique, l’inflation a dépassé 10% à la fin de 2020, puis s’est accélérée au-dessus de 12%. Le déficit budgétaire a atteint près de 3 % du PIB, et la dette publique a augmenté à 43,4% du PIB ».

Qu’est-ce qu’on a fait de toutes ces dépenses ? Partout à travers le pays, et surtout dans la métropole de Conakry, nous constatons des immeubles luxueux qui poussent de partout ; alors que la situation microéconomique du pays est désastreuse. Le blanchissement d’argent mal acquis ne pourrait être écarté. D’où la nécessité de faire la part des choses à travers un audit indépendant de la gestion de l’ancienne équipe dirigeante.

  1. L’Etat doit honorer ses obligations envers ses créanciers

Avec une inflation de plus de 12%, un déficit budgétaire de 3 % du PIB, et une dette publique de 44% du PIB, la Guinée est absolument en difficulté financière ! Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’ancien président Alpha Condé et son premier ministre clamaient haut et fort que les mois à venir allaient être durs pour les populations. Dans la situation actuelle, la Guinée a plus que besoin de ses partenaires internationaux pour améliorer ses finances publiques.

Le prépaiement de la dette publique intérieure doit être une des priorités des nouvelles autorités car cette dette a un impact majeur sur la microéconomie et le fonctionnement normal des affaires dans le pays. Elle touche directement le bien-être des populations à tous les niveaux. Pour y réussir, il faut bien sûr accroitre les recettes de l’Etat et surtout engager une lutte sans merci contre la corruption et la gabegie financière.

La Cour des Comptes et la Banque Centrale n’ont pas du tout joué leur rôle régalien face aux manquements du régime d’Alpha Condé. Il faut impérieusement réaménager ces deux institutions le plus tôt possible. Il nous faut des patriotes et intègres au sein de ces institutions. Pour moi, à l’état actuel des choses, ceci devrait être la priorité des priorités des nouvelles autorités. D’ailleurs, plus urgent que la nomination d’un gouvernement et la mise en place du CNT.

  1. Créer un cadre de dialogue permanent entre les acteurs sociopolitiques

Les journées de concertation nationale initiées par le CNRD avec l’ensemble des couches socio-professionnelles du pays se sont passées à la satisfaction de toutes et de tous. Il faudrait conserver cette ambiance à travers la mise en place d’un cadre de dialogue permanent entre les entités concernées. Puisqu’il y aurait une convergence d’idées et besoins entre les différentes propositions des parties prenantes, ce cadre de dialogue permettra de faire une synthèse des mémorandums issus de la concertation nationale. Cette synthèse pourrait ainsi être soumisse aux nouvelles autorités. Ici, nous cherchons la qualité et la quintessence des propositions qui doivent être réalisables tenant compte de la situation actuelle du pays.

Je termine cet article par cette citation célèbre de Jacques Chirac qui disait que « la politique, ça ne consiste pas à suivre le courant, mais à indiquer le cap ».

A bon entendeur salut. D’ici-là, merci de contribuer au débat.

Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures ; rien que d’arguments !

Elhadj Aziz Bah
Executive MBA
Consultant et chef d’entreprise
PMP/CBAP/SPC Certified
Bahsona20@gmail.com