Idriss Chérif, Président de l’UCG et candidat en 2020 se prononce sur l’actualité Guinéenne.

Dans une interview exclusive accordée à Guinee360, l’ancien ministre de la Communication sous la junte militaire dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara s’exprime sur l’actualité sociopolitique en Guinée, marquée par la pandémie de Covid-19, le débat autour du double scrutin contesté du 22 mars et les enjeux de la présidentielle de 2020. Ancien bras droit de l’ex chef de la junte, Idrissa Chérif revient sur ses relations avec l’ancien homme fort du CNDD mais aussi ses ambitions politiques avec son parti l’Union pour le Changement de Guinée, qu’il dirige depuis février 2020.

Guinee360 : La pandémie de la covid-19 sévit à travers le monde, notamment en Guinée. Quelle analyse faites-vous de la gestion de cette crise sanitaire ?

Idrissa Chérif : C’est vrai que je ne suis pas sur le terrain, mais chaque jour je vois qu’il y a beaucoup de guéris et les cas de contaminations augmentent à grande échelle.

Les mesures barrières ne sont pas totalement respectées par les populations, les gens ne prennent pas la maladie au sérieux, mais cela est dû au manque d’informations. La Guinée a été touchée après beaucoup de pays, mais a dépassé plusieurs pays africains avec le taux de contaminations. Je pense que l’Etat fait de son mieux pour éradiquer la pandémie.

Vous êtes en dehors du pays depuis plus d’une décennie, qu’est-ce qui explique votre long séjour à l’extérieur du pays ? Est-ce qu’on peut parler d’exil politique ?

En 2015 j’étais à Conakry, j’ai pris part aux élections présidentielles en apportant mon soutien à Sidya Touré. Après l’échec, je suis rentré à Abidjan. La Côte d’Ivoire c’est chez moi. Je suis président du Conseil  ’Administration de deux entreprises. L’une évolue dans les télécoms et le génie civil. Vous avez aussi mon cabinet de relations internationales et une société de transport. A Conakry, je ne peux pas venir m’asseoir uniquement à faire de la politique.

Je serai bientôt à Conakry pour m’occuper de mon parti politique. C’est à cause de la pandémie, sans quoi je serai déjà à Conakry et à l’intérieur du pays en train d’installer mes différents comités de base et expliquer le projet de société de l’Union pour le Changement de Guinée.

Quelles sont vos relations avec vos anciens collaborateurs, notamment le capitaine Moussa Dadis Camara ?

Nous communiquons très bien et nos rapports sont à un très haut niveau. Notre relation n’a jamais pris de coups. L’amitié reste intacte comme ça a toujours été le cas. Vu que nous étions amis avant le pouvoir, cela n’a rien affecté dans nos relations.

Je pense que je suis la seule personne d’ailleurs, qui prend son vol pour rendre visite à Dadis à Ouagadougou. Nos familles aussi se côtoient. Autant je lui fais confiance, autant il a aussi ma confiance.

Comment comprenez-vous qu’il soit toujours maintenu au Burkina- Faso depuis 2009, ceci malgré son désir de revenir en Guinée ?

Je ne voulais même plus me prononcer sur cette situation. Il faut être franc, Dadis est maintenu de force à Ouagadougou. Même si les gens ne veulent pas qu’on en parle. Le jour où les gens voudront qu’il rentre, il rentrera. Personne n’acceptera de rester hors de son pays, alors qu’il a le désir de rentrer pour voir des parents.
C’est une situation qui l’a amené dans ce pays, après cela il faut qu’il rentre pour affronter la justice dans le dossier des massacres du 28 septembre. Il faut que les gens comprennent que l’exil est fatiguant.

Y’a-t-il une main noire derrière tout cela ?

Dadis est une personne qui est gênante. Son influence suffit et il y en a qui pensent que son physique seulement peut influencer. Je ne peux accuser personne sur ce domaine. L’essentiel est qu’on ne le laisse pas rentrer chez lui.

L’actualité politique reste également marquée par le débat autour de la Constitution. Quelle analyse faites-vous de la situation socio-politique au lendemain du double scrutin du 22 mars ?

En état de projet, j’ai dit que ce n’était pas nécessaire de changer la Constitution de 2010. Il est important pour les Guinéens de comprendre l’enjeu réel de cette Constitution qui est venue encore diviser les Guinéens. Le problème que nous avons, c’est un problème économique et d’emploi. La constitution n’avait aucun problème, il faut juste donner du travail aux Guinéens. C’est tout. Il faut restaurer l’autorité de l’Etat. Nous sommes dans une situation où l’opposition est tout le temps dehors, en train de revendiquer avec les mêmes stratégies depuis 2010. La meilleure façon c’est de s’asseoir autour d’une même table, pour discuter de l’avenir du pays. Que le pouvoir respecte l’opposition en face. Maintenant il y a une Assemblée monolithique qui est là et qui ne reflète pas la physionomie guinéenne.

Les principaux opposants au régime d’Alpha Condé disent ne pas reconnaitre le texte issu du référendum du 22 mars. C’est quoi votre position ?

En 2001, le président Lansana Conté m’a appelé au bureau du ministre de l’Administration du territoire d’alors Moussa Solano. Il a instruit à Solano de venir avec moi pour réfléchir sur le référendum. Mais je n’étais pas d’accord. Solano est encore vivant, il peut témoigner. Le président c’était comme mon papa, il m’a beaucoup soutenu, il m’envoyait partout et c’est à travers lui que Cellou Dalein Diallo m’a connu. Mais j’ai dit non au président. J’ai dit à Moussa Solano que ce n’était pas possible. Finalement il était obligé d’aller dire à Conté que votre fils Chérif n’est pas d’accord sur le référendum. Il y a des personnes qu’on achète avec de l’argent, mais il y a certaines personnes qu’on achète avec le respect et la considération. L’opposition a ses raisons de ne pas accepter le référendum d’Alpha Conté. Je n’ai pas aussi accepté ce vote.

L’opposition et la société civile réunies au sein du FNDC accusent Alpha Condé de vouloir se présenter en 2020 pour un 3e mandat, est-ce que vous avez la même perception de la situation ?

Dès lors qu’il n’a rien dit par rapport à sa candidature en 2020, je pense qu’il faut attendre. Le moment venu je donnerai ma position. Il n’a pas dit qu’il sera candidat. Il s’est limité à dire que son parti décidera.

Le FNDC s’apprête à redescendre dans la rue, pour dit-il, exiger la libération de ses membres. Pensez-vous que c’est une bonne décision ?

Je pense qu’il faut entamer la discussion. La rue ne va pas régler les problèmes, elle n’a rien réglé en Guinée. Quand vous sortez tous les jours, il est important de changer de stratégies. Je parle souvent avec le président de l’UFDG qui est un ami personnel mais aussi avec quelques responsables du FNDC, chacun a une version et moi aussi j’ai ma ligne de conduite. Ils connaissent tous ce que je pense. Je ne suis pas d’accord avec le référendum. En tant que bon démocrate, je ne peux pas l’accepter. En même temps, je ne suis pas d’accord que l’opposition occupe tout le temps la rue. Vous pouvez faire des démonstrations de force mais il faut que ces démonstrations soient payantes pour vous. Vous avez à faire à un monsieur qui ne regarde même pas vos marches.

Nous sommes à quelques mois de la présidentielle, est-ce que ce scrutin est tenable en cette période de pandémie ?

Avec les études que j’ai eues à faire, nous sommes à quatre mois des élections. Si nous voulons d’un scrutin consensuel et accepté de tous, il faut reporter ces élections de manière consensuelle. Il faut un délai raisonnable de six à un an au maximum sous les conduites du parlement, pour former un gouvernement d’union nationale avec des vrais partis politiques mais pas avec les partis que j’ai vus à l’Assemblée nationale, qui ne représentent pas la valeur réelle de la population. Il faut forcement faire appel à Cellou Dalein Diallo qui est un poids dans l’échiquier politique guinéen.

Alors est-ce que vous serez candidat à cette présidentielle ?

Je suis candidat en 2020. J’ai un congrès extraordinaire au cours duquel le parti doit m’investir comme candidat, mais s’ils refusent je me retirerai.

Dites-nous comment vous vous y préparez ? Qu’est-ce que vous proposez aux Guinéens pour vous faire élire ?

J’ai un projet de société qui est inattaquable et qui a été certifié sur un plan quinquennal de cinq ans. Mais nous sommes allés jusqu’à 30 ans. Quand nous serons élu comme président, sur le plan de la sécurité et de la justice nous allons mettre assez de moyens. Dans beaucoup de pays les procureurs sont nommés, une fois au pouvoir je ferai en sorte que les procureurs soient élus par leurs collègues magistrats. Comme ça, la justice sera au service de la population car elle peut même amener le président de la République à démissionner. Nous allons créer 750.000 emplois en cinq ans. Nous allons mettre en place une école d’administration, une véritable école de la douane et une école normale supérieure. Chaque année, nous allons construire deux universités dans les régions mais aussi plus 340.000 établissements primaires et secondaires. Nous allons revaloriser les salaires des fonctionnaires. Sur le plan de l’habitat, nous allons construire plus de 20.000 logements sociaux dans les différentes communes de la capitale, etc…

Guinée 360