Accueil À LA UNE Idriss Chérif, Président de l’UCG sur l’actualité politique guinéenne et son projet...

Idriss Chérif, Président de l’UCG sur l’actualité politique guinéenne et son projet de société.

L’homme est déterminé, d’une confiance inébranlable et assuré de voir son projet de société adopté par les Guinéens à la prochaine élection présidentielle. Idrissa Chérif, le leader de l’Union pour le Changement de Guinée (UCG), puisqu’il s’agit de lui, sait où il va et affiche clairement son ambition : devenir le prochain président élu de la Guinée et ouvrir de nouvelles perspectives à son pays.
Les atouts dont il dispose sont de taille : d’abord sa jeunesse par rapport aux autres mastodontes de la scène politique guinéenne, et surtout son expérience dans l’administration et dans le monde de l’entreprise. Ancien ministre au moment de la transition, Idrissa Chérif jouit d’une haute estime auprès des jeunes et de la diaspora guinéenne à travers le monde. Il entend jouer pleinement sa partition lors du scrutin décisif d’Octobre 2020. Il nous a accordé un entretien à bâtons rompus.
LEPANAFRICAIN : Monsieur le Président, en février dernier, vous avez été porté à la tête de l’Union pour le Changement de Guinée (UCG). Que représente cette formation politique sur la scène politique guinéenne et quelles sont les raisons qui ont présidé à votre choix pour la diriger ?
M. IDRISSA CHÉRIF : Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez de répondre à vos questions relatives à notre action politique, aux activités de notre parti et sur la situation actuelle en Guinée.
Effectivement, depuis février 2020, j’ai été porté à la tête de notre formation politique, l’Union pour le Changement de Guinée (UCG), dans un seul but : conduire ce parti à la victoire finale lors de l’élection présidentielle d’Octobre prochain. L’homme que je suis dispose de toutes les capacités morales, intellectuelles, physiques et des relations nécessaires pour relever ce défi. Je suis également un homme de dossiers capable d’apporter beaucoup à mon pays, la Guinée, dans la mesure où j’ai toutes les capacités utiles pour amener un souffle nouveau et impulser un développement harmonieux à mon pays.
Si j’ai été désigné par les militants de notre parti, lors d’un congrès, pour en assurer la direction ces cinq prochaines années, c’est parce qu’ils ont vu en moi quelqu’un qui ne s’enlise pas dans les discordances ou les prises de position stériles, mais dont l’unique préoccupation est d’œuvrer pour l’amélioration des conditions de vie des populations, de redonner l’espoir aux Guinéens. Voici en quelques mots les raisons qui expliquent le choix porté sur ma personne pour, au nom de l’UCG, apporter le véritable changement auquel aspire le peuple Guinéen depuis plusieurs décennies.
Votre profil  et votre expérience, depuis le président Conté, en passant par la transition avec le CNDD, vous ont permis de voir de près le fonctionnement de l’administration et de comprendre les rouages du pouvoir. Pour autant quels sont les principes qui guident votre engagement politique ?
J’ai été proche, il est vrai, d’un homme intègre, un véritable homme d’État, plein de patience et qui avait une bonne analyse et une parfaite lecture politique sur le choix des hommes. Toutefois, il n’avait pu obtenir les résultats escomptés en faisant confiance aux élites guinéennes auxquelles il avait confié des départements ministériels. Dès qu’il faisait confiance à quelqu’un ou qu’il nommait quelqu’un à un poste important, il lui tournait le dos et le laissait face à ses responsabilités. Il avait l’habitude de dire, quand on lui présentait un dossier technique, « si vous pensez que cela est bon pour la Guinée, faites ce que vous avez à faire ! ».
Feu le Président Conté ne cessait de dire aussi que lui était un expert en armes mais que c’est Dieu qui l’avait mis au pouvoir pour qu’il puisse gérer l’ensemble des forces de la nation guinéenne. C’est pour cela que j’ai attribué au Président Conté un domaine de définition particulier, « l’eau », parce qu’il sait à quel moment se calmer et à quel moment rebondir. J’ai eu l’honneur d’être tout proche de cet homme huit ans durant et de bien le connaître, ou plutôt d’apprendre à le connaître.  Après la disparition du Président Conté, il y a eu l’avènement du CNDD*, au sein duquel j’ai d’abord été nommé Conseiller spécial du Président de la République, puis Ministre de la Communication à la Présidence et au ministère de la Défense nationale. C’est là où je me suis fait remarquer par mes prises de position et mon engagement politique. Cette fonction m’avait permis de comprendre que les gens étaient juste là quand la situation était favorable ; sinon, quand cette situation n’était pas favorable, personne ne voulait monter au front pour défendre la nation, le pays, face au lynchage médiatique dont il était soumis.
L’image du pays s’assombrissait, il fallait donc que quelqu’un s’engage résolument à répondre de manière efficace aux détracteurs de la Guinée. C’est cet engagement qui nous a caractérisé à l’époque du CNDD, tout en me gardant de cibler une quelconque structure nationale, ni aucun organisme au plan national.
Aujourd’hui, j’ai compris les raisons qui font que les choses n’évoluent pas dans le sens souhaité. J’ai constaté surtout que nos États n’étaient pas résolus à mener un dossier jusqu’à son terme. Il y a aussi un manque notoire de relations avec le monde des finances. J’ai vu également qu’il n’y avait pas de bons négociateurs financiers et les ministres nommés par le Président de la République ne lui apportaient rien en retour, ni à l’État. Aucune réforme n’était mise en œuvre par ces ministres au sein de l’Administration, ni aucun engagement conséquent de leur part. Alors qu’il faut aller à l’assaut des projets, des financements, promouvoir l’innovation et l’excellence au niveau des différents départements ministériels.
Il est nécessaire donc de créer une synergie pour obtenir des résultats probants. C’est pour cela que je dis que j’ai le profil idéal pour changer la donne, pour impulser les véritables changements à même de placer la Guinée sur la rampe du progrès et du développement, et lui permettre de prendre son envol à l’instar des autres pays de la sous région. Il faut une meilleure organisation de l’Administration, encourager davantage les travailleurs des secteurs public et privé. Mais il faut surtout procéder à un rajeunissement au sein de l’Administration, en organisant des concours et des recrutements. En somme, il faut créer beaucoup de nouveaux emplois.
Ma vision, mon rêve pour mon pays, c’est d’apporter cette prospérité tant attendue par nos populations. Nous devons faire en sorte que tous ceux qui veulent venir investir en Guinée puissent avoir la confiance et la sécurité. Il faut promouvoir l’équité et la justice, instaurer la démocratie et montrer que le pouvoir n’est pas là uniquement pour mettre des hommes en prison mais pour servir le peuple. C’est pourquoi je viendrais pour mettre en place ces innovations, redonner confiance aux Guinéens et réconcilier les populations avec leur administration, leur armée, leur justice. Surtout faire en sorte que le Président de la République ne soit pas le seul à prendre toutes les décisions, mais plutôt mettre en place des instances de décision permettant à chaque Guinéen de se sentir pleinement impliqué dans le développement du pays à tous les niveaux.
La CENI (Commission électorale nationale indépendante) a proposé la date du 18 Octobre 2020 pour l’élection présidentielle, en attendant sa validation par le président Alpha Condé. Quelle est votre position à cet égard et si votre candidature est confirmée par votre parti, quel est le projet de société que vous comptez promouvoir ?
Je tiens à vous dire que je suis engagé, si je suis élu, à travailler et être au service de mon peuple. Il est vrai que la CENI  a décidé, en fonction de son calendrier de fixer une date, le 18 Octobre 2020, en attendant le décret présidentiel qui devrait l’entériner. Ce sera un moment historique qui verra les Guinéens se retrouver pour élire celui qui devra désormais diriger le pays pour les cinq prochaines années.
Je m’étais déjà exprimé sur la question. Je pense que pour une élection qui se veut fiable et transparente, le temps imparti par la CENI a pris trop de retard. D’abord, le délai fixé pour la révision de la liste électorale est très court. Ensuite, les citoyens sont encore confinés par la crise sanitaire du Covid-19, sans compter les autres aspects qu’il serait fastidieux de citer ici. Certes, la CENI est un organe technique qui s’occupe de l’organisation des élections ; donc c’est tout à son honneur de fixer une date.
Cependant, les réalités politiques, économiques et sociales doivent être prises en compte aussi, de manière efficace, afin d’apporter une bonne réponse à la CENI. Il s’agit là du décret du Président de la République qui doit décider s’il est possible d’aller à des élections. Il est vrai que le mandat du Président sera à son terme à partir du mois de Décembre prochain (il avait prêté serment en Décembre 2015), donc il est tout à fait normal que la CENI propose une date. Ne pas proposer de date aurait conduit à penser qu’il n’y avait pas d’élection. Nous devons donc considérer que l’élection devra se tenir en Octobre mais les réalités politiques, économiques, sociales et sanitaires décideront de la suite des événements.
Personnellement je n’ai pas de préjugés à ce niveau mais si les critères ne répondent pas, il nous faudra voir ensemble, au niveau parlementaire, comment en cas de nécessité allonger le mandat présidentiel et définir une date consensuelle avec tous les partis politiques (UFDG, UFR, PDN, le Bloc libéral de Faya Millimono, l’UCG mon parti) avec la mouvance présidentielle. Nous pourrons ainsi discuter dans la sérénité pour trouver une date qui conviendra. Ainsi, nous irons à une élection inclusive, transparente et ouverte.
Quant à mes chances, je vous ai dit que j’ai un projet de société inattaquable. Je ne peux pas revenir sur l’ensemble des domaines contenus dans le plan décennal que j’ai élaboré, car les différents aspects ont été passés en revue pour une période de dix ans. Pour ma part, j’entends relancer l’économie qui est très fragile, redresser la justice que les investisseurs et bailleurs fustigent pour son impartialité.
La justice a toujours été du côté du pouvoir en place et cela depuis des années. Dans ce cadre précis, parmi les mesures que nous prendrons, celle consistant à la désignation du Procureur de la République qui ne sera plus nommé par le Président de la République, mais plutôt élu par ses pairs magistrats. Il en sera de même pour toutes les Chambres judiciaires (présidents des tribunaux, Cour des Comptes, Cour constitutionnelle, Cour suprême, etc).
Si les Guinéens me font confiance en me portant à la tête du pays, nous ferons en sorte que la justice soit totalement indépendante du cercle politique et que la politique ne s’immisce plus dans la sphère judiciaire. Ainsi, il sera même possible de destituer le Président de la République en cas de non respect de la Constitution ou de faute grave dans l’exercice de ses fonctions. En effet, nous allons mettre en œuvre de véritables changements, même au plan constitutionnel, afin de doter notre pays d’une Constitution forte et conforme à l’état de droit.
Sur le plan sécuritaire, nous entendons mettre sur pied une armée, une police, une gendarmerie républicaines, des forces de défense et de sécurité qui ne seront pas à la solde du pouvoir mais qui auront pour priorités essentielles de défendre le pays et de sécuriser les populations, en respectant les droits et libertés des uns et des autres. Ce seront de véritables forces de l’ordre et non du désordre.
Concernant le volet Emplois, nous prévoyons de créer 750 000 emplois en cinq ans. En dix ans, nous avons l’ambition de créer 2 500 000 emplois. Tout est paramétré, chiffré, nous disposons de toutes les statistiques nécessaires et quand vous parcourez notre programme macroéconomique vous verrez ce que nous envisageons de faire dans ce cadre. Nous allons donc remettre les Guinéens au travail.
Dans le domaine de l’habitat, nous prévoyons la construction de plusieurs centaines de logements pour permettre à chaque Guinéen d’avoir un toit en souscrivant à des comptes Logement. On permettra à des structures immobilières de venir s’installer en Guinée pour construire des logements et les vendre aux Guinéens, selon des modalités qui tiennent compte de leurs revenus, pour des échéances de 10, 15, 20 ans, etc.
Les Guinéens auront donc accès à un toit, comme cela se passe au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, en Tunisie, au Maroc, des situations que j’ai personnellement vécues et dont on a tiré des expériences qui peuvent nous être utiles.
Voussavez, en Guinée, il y a même des banques qui refusent d’accorder des crédits à des Guinéens. Quand nous serons au pouvoir, chaque fonctionnaire pourra disposer d’une ligne de crédit bancaire (pour un projet, des achats, et autres). Ainsi, les banques pourront acquérir des logements avec l’apport initial du souscripteur qui paiera à tempérament jusqu’à l’échéance de la créance.
En matière d’éducation, notre projet de société prévoit un accès gratuit à l’école. De 6 à 16 ans, l’enfant va directement à l’école qui devient obligatoire. Les parents qui privent leurs enfants de l’éducation requise s’exposeront à des sanctions telles que prévues par les lois en vigueur. Bien sûr, lors de la campagne électorale, nous reviendrons sur la panoplie de mesures que nous allons prendre à divers niveaux et sur l’ensemble des projets que nous entendons initier. Entre autres, les infrastructures que nous comptons réaliser, les routes, les ponts, les tunnels entre Conakry et Mamou notamment. Au plan sanitaire, l’instauration de l’assurance maladie universelle, pour un accès gratuit des populations aux soins de santé, la construction de centres hospitaliers universitaires (CHU) dans la ville de Conakry et à l’intérieur du pays, des hôpitaux généraux et beaucoup d’autres projets que nous allons mettre en place.
Certains observateurs vous présentent comme un outsider sérieux face au président sortant – s’il se représente – et à des dinosaures politiques comme les autres leaders de l’opposition que sont, notamment Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré. Pensez-vous avoir la capacité de rassembler la majorité des Guinéens pour conduire les changements escomptés ?
Je suis, en effet, un candidat sérieux qui vient grossir le rang des poids lourds et qui entend changer la structure actuelle de l’opposition. J’ai pris la tête de l’UCG, non pour me comparer aux autres, qu’il s’agisse de la mouvance présidentielle ou de l’opposition plurielle, mais je viens pour gagner l’élection présidentielle. Qui aurait pensé qu’Umaru Emballo serait président en Guinée Bissau ? Sa victoire a surpris tout le monde. Ou bien que Yayi Boni pouvait être élu président du Bénin ? Ou encore qui a pensé que le président de la Tunisie allait être élu ?
Iln’y a pas de grands partis, il faut plutôt un bon projet de société et des réseaux relationnels. Je suis quelqu’un qui dispose d’un vaste portefeuille relationnel aussi bien au sein du monde politique que du monde économique. C’est ce que j’apporterai à mon pays qui est le plus important. Nous ferons le tour du pays pour montrer aux Guinéens de quoi ils ont besoin, ce qui est bon pour eux, ce qu’ils doivent faire et ce qu’on doit faire ensemble. Il faut aller au développement, il faut développer l’agriculture. D’autre part, notre pays est assis sur des mines et nous ne parvenons toujours pas à décoller. Il faut désormais privilégier une autre option, engager le pays de manière résolue dans le domaine agricole. C’est pourquoi dans les 750 000 emplois que je prévois de créer en cinq ans, le secteur agricole représente 40%. Il faut appuyer le secteur privé et booster le secteur énergétique pour permettre aux industries de s’installer et que ce qui est produit soit consommé en Guinée.
Quand on vient au pouvoir, il faut amener avec soi une expertise et des statistiques bien élaborées de ce que l’on projette de faire. C’est sur la base du programme que je présenterai au peuple Guinéen que ce peuple désignera son président.
Aujourd’hui, les gens pensent que le vote est ethnique. Non, ce n’est pas l’ethnie qui vote ou qui commande, ce sont les projets qui commandent, c’est plutôt la Guinée qui doit nous commander. Parce que je n’ai vu nulle part la mention de l’ethnie sur une carte d’identité quelconque, si ce n’est le Rwanda d’avant 1994, où les références à l’ethnie (Hutu ou Tutsi) étaient mentionnées sur la carte nationale d’identité. Il ne faut pas tomber dans ces travers. C’est pourquoi je viens avec une autre manière de voir, une autre vision.
Ily a 77% de la population qui est constituée de jeunes dont seulement moins de 20% travaillent. Il faut donc mettre cette jeunesse au travail. C’est pourquoi je viens mettre la jeunesse au travail et me mettre au service de la jeunesse. Mon ambition est d’amener cette jeunesse à une vie paisible et harmonieuse, de faire sortir de leur esprit l’idée selon laquelle il faut toujours tendre la main pour demander, mais  leur montrer qu’il faut travailler pour gagner, construire ce qu’on a et être fier de ce que nous sommes.Mais il faut surtout éviter la démagogie et comme certains le font, être ici aujourd’hui et demain ailleurs, sans aucune position politique conséquente. Nous n’avons pas cette préoccupation. Nous venons plutôt pour rénover, pour une bonne révolution. Nous sommes un parti libéral profondément engagé pour une victoire finale à l’élection présidentielle quelque soit la date qui sera retenue.
  1. Propos recueillis par Karim DIAKHATÉ
Quitter la version mobile