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La Banque Centrale de la République de Guinée : fantasmes autour d’une institution

Depuis la prise du pouvoir par le Colonel Mamadi Doumbouya et ses hommes, un vent de changement a soufflé sur la haute sphère de l’administration avec le remplacement des Ministres du Gouvernement Kassory, le gel de leurs comptes et ceux des entités de l’Administration publique.

Les Gouverneurs et Préfets ont également été remplacés. La raison est simple et se justifie : le CNRD tient à faire l’état des lieux sur l’héritage laissé par le pouvoir du Pr Alpha Condé avant de mettre en place une quelconque démarche visant, dans le cadre de la transition, à moraliser les activités économiques, sociales et politiques de la Nation.

Il semble établi maintenant, tout au moins nous l’espérons, que le changement tant espéré par les guinéens se prépare méthodiquement à prendre son départ. En tout cas, la méthode convainc et ne suscite pas pour le moment de questionnements. Si questionnements il devrait y en avoir, ce sont les résultats que le changement en cours produira.

Le « pas de recyclage » fait son chemin et se matérialise, à la tête des différents Ministères du pays, par la nomination de nouvelles personnes, jeunes dans la grande majorité, avec des expériences diverses. Nous leur souhaitons à tous, pleins succès dans leurs nouvelles missions.

C’est dans la foulée que des voix s’élèvent : pourquoi les gouverneurs ont été changés et pas celui de la Banque Centrale et ses Vice-Gouverneurs ? Pourquoi les Ministres ont été suspendus et remplacés et leurs comptes gelés et ceux de la Banque Centrale sont toujours en place, pourtant le Gouverneur faisait partie du Gouvernement et aussi, participait au Conseil des Ministres ? Et que dire des affirmations : « Ce sont des voleurs, à la base de la cherté de la vie et de l’inflation ».

A tout cela viennent s’ajouter les valses, défilés et lobbying auprès du CNRD pour prendre la tête de notre Institution d’Émission monétaire. Nous considérons simplement que ces affirmations et autres cris relèvent d’une véritable méconnaissance du statut et missions de la Banque Centrale et partant, de la fonction de Gouverneur et des Vice-Gouverneurs à sa tête.

Que lesdites affirmations viennent de la population, constituée à grande majorité d’analphabètes, ça peut se comprendre, mais des intellectuels, cela devient ahurissant dans la mesure où les informations sur la Banque Centrale sont disponibles et facilement accessibles pour qui veut réellement comprendre.

Précisons tout d’abord que de par la Loi L/2017/017/064/AN du 08 juin 2017, abrogeant la Loi L/2016/064/AN du 09/11/2016, elle-même, modifiant le Loi L/2014/016/AN du 02/07/2014 portant Statut de la Banque Centrale de la République de Guinée (B.C.R.G), l’institution jouit d’une personnalité juridique, de l’autonomie financière et de gestion.

La lecture des articles 50 et 51 du Statut de la Banque Centrale de la République de Guinée précise respectivement que : « Le Gouverneur et les Vice-Gouverneurs sont nommés pour une durée de cinq (5) ans, renouvelable une fois, par décret du Président de la République parmi les personnes disposant de compétences et d’expériences professionnelles dans les domaines économique, financier, monétaire, Juridique ou comptable ».

Et « Le Gouverneur et les Vice-Gouverneurs peuvent être relevés de leurs fonctions au cours de leur mandat, pour incapacité mentale ou faute grave, par décret du Président de la République sur recommandation du Conseil d’Administration. A cette occasion, une majorité simple des membres du Conseil d’Administration est requise ».

Par ces simples précisions juridiques, retenons que le Gouverneur, les Vice-Gouverneurs et l’ensemble du personnel de la Banque Centrale de la République de Guinée ne font pas partie de l’effectif de la fonction publique. Ce ne sont pas des fonctionnaires de l’Administration publique bien que régis par le Code du travail.

L’Institution relève directement du Président de la République pour lequel, le Gouverneur, assisté par ses Vice-Gouverneurs, constitue un Conseiller Financier et ne peut nullement être, ou considéré comme un membre du Gouvernement.

Les enlever ou les maintenir est de la seule discrétion du Président de la République qui, à son tour, doit tenir compte des textes en la matière afin que, aux yeux de nos différents partenaires et pour la crédibilité de l’institution et de ses actions, le pays n’en souffre point.

Changer pour changer, parce que c’est la mode et la rue le réclame, peut s’avérer parfois périlleux et aux conséquences désastreuses surtout quand il s’agit d’une Institution aussi sensible et stratégique que la Banque Centrale.

L’histoire est pourtant là pour nous rafraîchir la mémoire. La plus proche est l’état des lieux de la Banque Centrale en 2010, après la transition militaire et sans être exhaustif : l’inflation à 39% en 2006, vers la fin du régime de Lansana Conté. 21% en 2010, sous la junte, avec un fonctionnement de la planche à billets sans discernement.

A l’époque (CNDD) comme maintenant, les convoitises pour diriger l’institution ont abouti à un choix aux résultats qui se passent de commentaires et qui ont entraîné, à partir de 2010, de sérieuses et profondes réformes, sur une longue période, pour bénéficier de la confiance des différents partenaires de la Guinée obtenus à date et à la stabilité de notre monnaie nationale. Ces bons résultats ont exigé de la stratégie, une bonne connaissance des questions économiques et monétaires et de la pédagogie.

Faisons attention à ne pas commettre les mêmes erreurs du passé qui risquent de produire les mêmes effets voire, des effets plus désastreux pour nous-mêmes et dans nos rapports avec nos partenaires.

Dans nos analyses, faisons preuve de cartésianisme et évitons la personnalisation du débat. Allons sur les principes et les valeurs. C’est en cela que nous pouvons réellement aider les nouvelles Autorités, et partant le pays, à avancer pour notre bonheur à tous. Le problème de la Guinée, nous le savons tous, n’est pas un problème de personne, c’est un problème de système dans lequel, nous avons tous une part de responsabilité. Apprenons tous à changer, arrêtons la délation, les rumeurs et les informations qui sont plus du domaine du sensationnel que de l’objectivité.

Le respect et la valeur que nous donnerons à nos Institutions et à nos dirigeants, anciens ou nouveaux, constitueront les seuls véritables éléments par lesquels nous seront appréciés, ou tout moins, détermineront le regard que les autres porteront sur nous et sur notre pays.

Thierno Souleymane Bah

 

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