La CAF, victime coupable du néocolonialisme de la FIFA (Opinion)

Depuis quelques mois, l’actualité du Football africain est dominée par les élections présidentielles qui verront plusieurs candidats concourir pour prendre la place du controversé Ahmad Ahmad.

 

Dans ce vacarme politico-juridico-footballistique, le Cameroun a fini par organiser le CHAN qui, malgré les problèmes financiers et de gouvernance de la CAF et aussi de la Pandémie, été une réussite. En attendant la CAN dans quelques mois. Mais l’actualité brulante est bien les élections pour la présidence de la CAF.

 

En effet, en novembre dernier, le président en exercice de la Confédération africaine de football (CAF) a été suspendu cinq ans par la FIFA. Cette dernière l’accuse de détournement de fonds. La décision a été prise par la commission d’éthique de l’instance dirigeante du football mondial qui, en plus, lui inflige 200 000 francs suisses d’amende, soit 185 000 euros.

 

Sauf que, avant la finale du CHAN, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a suspendu provisoirement, vendredi 29 janvier 2021, les sanctions de la Fifa contre (l’ex) président de la Confédération africaine de football (Caf). Cette décision préliminaire du TAS qui examinera l’appel de M. Ahmad le 2 mars 2021, rétablit ainsi le malgache dans ses fonctions de président de la CAF.

 

Que se cache-t-il derrière ce vacarme au sommet de la présidence de la CAF ?? (Il faut rappeler que Constant OMARI qui a assuré l’intérim lors de la suspension en première instance d’Ahmad est lui aussi dans le collimateur de la FIFA. La Commission d’éthique indépendante de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), dans une enquête en cours aurait déjà mis en lumière un faisceau d’indices et de preuves qui accablent le congolais d’acceptation de cadeaux et de corruption). Pourquoi les accusations de corruption ne sont apparues qu’à l’approche des élections ? pourquoi M. INFANTINO est de plus en plus présent dans le déroulement de ces élections ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, il conviendra de se pencher sur le dilemme de la CAF avant d’évoquer la nécessité de sa refonte.

 

LE DILEMME DE LA CAF : ENTRE RETROUVER SA PLEINE SOUVERAINETE OU BENEFICIER DES FONDS DE LA FIFA (ET RESTER SOUS SES ORDRES)

 

Un récent événement a fait bondir tous les africains épris de fierté et mordus du foot. La Commission de Gouvernance de la Confédération Africaine de Football (CAF) s’est réunie au Caire les 5 et 6 janvier 2020, sur convocation de son président M. Michel Kizito Brizoua-Bi, pour se pencher sur les candidatures des prétendants à la présidence de la confédération. Cinq candidatures ont été officiellement enregistrées pour le poste de président de la CAF, au terme des travaux, la commission a accepté les candidatures de M. Augustin Senghor, président de la fédération sénégalaise de football et de Jacques Anouma, ancien président de la fédération ivoirienne de football. La commission a déclaré inéligible Ahmad Ahmad, président sortant, sanctionné par la FIFA. Les deux autres dossiers de candidature à savoir celui du Mauritanien Ahmed Yaya et du Sud-africain Patrice Motsepe sont jugés recevables mais la commission estime qu’il est nécessaire d’effectuer des vérifications complémentaires, l’audition des deux hommes était prévue au Caire, siège de la CAF le 28 janvier. Entre temps, la FIFA, sans attendre l’audition prévue, valide les candidatures de MM. YAHYA et MOTSEPE. Un sacré camouflet porté à la tête de la CAF et de la gouvernance du foot africain.

 

Cette (ingérence) de la FIFA présente tous les aspects du néocolonialisme de la CAF par sa sœur. Il faut noter que la FIFA ne pourrait pas se permettre un tel acte s’il s’agissait de l’UEFA, de la CONMEBOL, de la CONCACAF… Pourtant, à y voir de très près, c’est l’inverse qui serait de mise car faut-t-il rappeler que la CAF c’est 54 fédérations, qui, en principe, dans les élections à la FIFA, (environ 204 fédérations prennent part à l’élection du prédisent de la FIFA et la CAF représente 54) devraient avoir leur mot à dire. La CAF est la plus grande confédération membre de la FIFA (mais la plus pauvre aussi). De ce fait, elle devrait peser de tout son poids sans se faire dicter des consignes par M. INFANTINO.

 

Seulement, la CAF est pauvre, son siège du Caire se trouve dans un hôtel particulier, aucun bâtiment construit pour faire office de de siège. La confédération est empêtrée dans un déficit financier structurel qui s’agrandit d’année en année. (Un déficit record de 17,7 millions de dollars en 2019 ; un résultat net négatif de 6,5 millions de dollars en 2019-2020 ; Un budget pour l’exercice 2020-2021 en déficit de 13,6 millions de dollars).

 

Pour mettre un peu d’ordre dans les comptes et contrôler les agissements des dirigeants de la Confédération africaine, la FIFA avait, à l’été 2019, envoyé au Caire, siège de la CAF, sa numéro 2, Fatma SAMOURA en l’occurrence, afin de réorganiser l’instance. Cette mission n’avait pas plus à certains présidents africains, lesquels ne mirent pas longtemps à s’offusquer d’une telle ingérence. C’était une sorte de mettre des bâtons dans les roues de M. AHMAD. Ce dernier ayant compris la manœuvre, n’a pas manqué d’indiquer la porte de sortie à Mme SAMOURA.

 

Se rendant compte que M. AHMAD n’était pas malléable à sa guise pour mettre son nez dans les affaires de la confédération, M. INFANTINO passa par tous les moyens pour pouvoir débarquer le malgache (ce qu’il a réussi en partie. Rappelons que le Suisse aussi est sous coup d’une procédure judiciaire lancée par les procureurs suisses.

 

D’un autre côté, la question de la souveraineté semble mal en point car la majorité des fédérations africaine est mal gérée, ces fédérations vivent sous perfusion financière du pouvoir politique et aussi sur les fonds alloués par la FIFA. Ces fonds sont passés de 250 000$ par an à 1,5 million de dollar par an depuis 2016. Par ces fonds, la FIFA se permet de s’ériger en donneuse de leçon à la CAF jusqu’à s’ingérer dans ses affaires internes.Celui qui paye décidedisait le dicton. C’est certainement fort de ces montants alloués que M. INFANTINO se croit tout permis avec la CAF. Il faut donc trouver un juste milieu pour pouvoir concilier sa souveraineté politique et son déficit en attendant de trouver une solution qui va lui permettre de retrouver son « indépendance totale et entière ». A la lumière de ces éléments exposés ci-haut, nous pouvons dire avec certitude qu’une réforme de la CAF sera le chemin le plus droit pour lui rendre pleinement souveraine et respectable.

 

REFORMER LA CAF POUR LUI DONNER SA FIERTE ET SA SOUVERAINETE

 

Pour que cette institution puisse retrouver la place qui lui est due, il est impératif de la réformer dans le fond et dans la forme.

Réformes dans le fond

 

Une organisation aussi importante se doit d’être dotée d’organes puissants, pouvant constituer des contrepouvoirs entre eux. Il est donc loisible que la CAF introduise une séparation claire des pouvoirs entre les organes législatifs, exécutifs et judiciaires. Elle doit mettre un accent particulier sur les organes judiciaires indépendants (qu’il faudra créer) sur le modèle de l’UEFA. Ces organes seront compétents pour juger des litiges qui concernent la confédération.

 

Il lui faut un personnel spécial, avec des rôles et des responsabilités à des postes définis ainsi que des règlements intérieurs pour les employés (Code de conduite, Manuel de l’Employé, Directive sur les frais de voyage…).

 

Un autre domaine et pas des moindres, doit faire l’objet de réforme, il s’agit du domaine financier. Cela se traduira par le renforcement de la gestion financière et la responsabilisation. Faire la part des choses entre l’ordonnateur et le comptable, mettre en place un système de contrôle de tous les fonds de l’institution, a priori et a posteriori afin d’avoir une traçabilité et une clarté sur l’utilisation des fonds d’investissement et de fonctionnement.

 

Pour mener à bien ces réformes, elle doit se doter de nouveaux statuts, conformément aux statuts de la FIFA afin de rentrer pleinement dans la modernité et d’œuvrer exclusivement pour le développement du football africain.

Réformes dans la forme

 

En ce qui concerne la réforme sur la forme, la CAF devrait prendre l’exemple sur l’Union Africaine. Autrement dit, elle doit avoir une vitrine (un bâtiment faisant office de siège), des infrastructures pouvant proposer un cadre de travail adéquat pour son personnel. Est-il nécessaire de signaler que l’organisation ne dispose à ce jour pas encore de bâtiments qui lui sont propres et qui font office de bureaux et autres salles de réunion ou de congrès.

 

Ce besoin en infrastructure doit s’accompagner par le recrutement d’un personnel compétent recruté sous l’angle du mérite. Il en va de même pour la mise en place d’un centre technique pouvant proposer des formations aux arbitres, coachs, dirigeants et aux anciens footballeurs africains en vue de leurs reconversions.

 

Ces anciens footballeurs doivent intégrer un comité de réflexion (qui doit être créé et composé entre autres de journalistes et des mécènes œuvrant dans le foot) afin de proposer des idées pour le développement de la base au sommet du football local, c’est-à-dire une continuité du CHAN.

 

Hamidou Bah, Consultant