La France n’a pas une mais des politiques africaines notamment dans ses anciennes colonies. Cette politique à la carte de la France met en relief de singulières incohérences dans sa diplomatie à l’échelle du continent africain.
Les Guinéens se sont rendus aux urnes ce dimanche 22 mars au compte des élections législatives et du scrutin référendaire. Aux lendemains de ce double scrutin contesté et boycotté par une frange de partis politiques de l’opposition, la France à travers son ministère des affaires étrangères a fait parler d’elle à nouveau dans la politique intérieure de la Guinée. Dans un communiqué rendu public le 24 mars dernier, la France a jugé ce double scrutin de <<non inclusif, non consensuel et non crédible>>. Une déclaration de la France qui a irrité les autorités guinéennes.
« Comment juger un scrutin dont vous n’avez participé ni à l’organisation ni à l’observation », réagissait le ministre secrétaire général à la présidence, Naby Youssouf Kiridi Bangoura aux critiques de la France.
Pour les plus avisés de la scène politique guinéenne, cette sortie de la France ne doit surprendre personne. Tout au long de ce processus électoral, elle a affiché son opposition à la tenue du double scrutin notamment du référendum. Aux yeux des mêmes observateurs, la France constatant la ferme volonté des autorités guinéennes à aller ces élections et sentant son échec, aurait poussé l’organisation internationale de la francophonie (OIF) à se retirer du processus électoral. Comme cela ne lui suffisait pas, c’est encore elle qui serait parvenue à convaincre l’Union Africaine (UA) et la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à renoncer à l’envoie en Guinée des observateurs pour la supervision dudit scrutin.
Toutes ces manœuvres de l’ancien colonisateur ourdies contre le régime de Conakry avaient pour objectifs, empêcher la tenue de ces élections et faire regretter au Pr Alpha CONDÉ ses propos je cite: <<je n’ai peur de personne à l’intérieur comme à l’extérieur de la Guinée. Je n’ai de compte à rendre qu’au peuple de Guinée. Seul lui décidera du sort de la Guinée>>. Pourtant seul le peuple décide de la voie à suivre par son pays. Le peuple de Guinée l’a démontré lors du référendum du 28 septembre 1958. Après 60 années d’esclavage, de travail forcé, d’humiliation et de spoliation, il a posé son opposition au projet de communauté proposé par la France.
Dans la démocratie à géométrie variable, ce qui est pour un pays ne l’est pas pour un autre.
La sortie de la France sur le double scrutin de la Guinée en rappelle une autre. Celle du Bénin.
Le 28 avril de l’année dernière, le Bénin organisa ses premières législatives sous Talon. Avec plus de 250 formations politiques, seuls deux partis apparentés au pouvoir en place ont été autorisés par la Commission électorale nationale autonome à présenter leurs listes. Toutes les négociations menées par les chefs traditionnels, les religieux, la CEDEAO et l’UA pour ramener l’opposition dans le processus ont échoué. Le taux de participation de cette élection était de 27,12%. Du jamais vu depuis l’avènement de la démocratie dans ce pays en 1991. Des violences il y’en a eu lors de ces législatives béninoises. Elles ont fait des morts et des blessés. Les anciens chefs d’État, Yayi Boni malade au moment des faits et Nicéphore Soglo ont été confinés à leur domicile respectif. La Commission Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union Africaine (UA), le bureau des Nations-Unies pour l’Afrique de l’ouest et le Sahel (UNOWAS) et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), aucune de ces institutions à cheval de Troie de l’impérialisme et la France n’ont jugé la qualité du scrutin organisé au Bénin. D’ailleurs elles ont dans une série de communiqués laconiques, lancé des appels au calme.
Cette attitude notamment de la France qui joue la double carte en montrant patte blanche aux uns et griffes et dents aux autres, renvoie l’image d’un père ou d’une mère partial (e) entre ses propres enfants qui camoufle, cautionne, accepte et pardonne et accepte les actes des uns, les bien aimés et scandalise, réprimande et rejette ceux des autres, les mal aimés.
Cette politique de deux poids deux mesures de la France en Afrique risque un jour de lui sauter au visage. L’inégalité savamment orchestrée et entretenue par elle ne présage en rien un avenir radieux pour cette puissance qui perd inéluctablement de la place avec la présence imposante des Chinois et des Russes.
Billy Nankouma CONDÉ, Journaliste