Le multipartisme intégral est la source de tous les conflits qui assaillent le peuple de Guinée

Ma conviction. Contrairement à celle du 7 mai 2010, la constitution actuelle de la République de Guinée est légitime et légale : le peuple a adopté le projet le 22 mars 2020 ; le texte a été validé par la Cour constitutionnelle le 3 avril 2020, promulgué par le Président de la République le 7 avril 2020 et publié le 14 avril 2020 par le journal officiel.

La Quatrième République naquit le 14 décembre 2020 par l’investiture du premier titulaire, le Professeur Alpha Condé, élu au suffrage universel le 18 octobre 2020.

Nous disposons donc désormais d’un texte sacré auquel tout citoyen guinéen et toutes les formations sociales légalisées doivent se référer et non aux genres d’accords entre des partis politiques qui ont créé la confusion et accentué nos divisions superficielles sous la 3è République.

Mais cela ne suffit pas : le peuple de Guinée doit innover encore en fonction de la situation nouvelle, sinon nos conflits risquent de perdurer inutilement et de retarder le développement de notre pays.

Il doit d’abord réduire le nombre de partis politiques, revoir les conditions de création et de fonctionnement de toutes les formations sociales, coupler les élections législatives et communales pour réduire les dépenses, poursuivre le choix administratif de désignation des membres des bureaux de quartiers et de districts, structures de base de l’administration depuis le coup d’Etat du 3 avril 1984 et non des partis politiques.

Pourquoi faut-il réduire le nombre de partis politiques en Guinée ?

Le multipartisme intégral actuel, instauré par la violation flagrante  de l’ article 95 alinéa 1 (deux partis politiques) de la Loi Fondamentale adoptée par le référendum du 23 décembre 1990, étant le mal profond, doit être supprimé au profit d’un multipartisme réduit et maîtrisable: à base ethnique pour la plupart, rares de ces  partis qui ont un siège, des cartes d’adhésion, de véritables  structures régionales, des dirigeants régulièrement élus  et des instances régulières, mais surtout un véritable programme de société.

Or, la Guinée ne sera véritablement sauvée que le jour où les électeurs choisiront sur la base de tels projets de société et non sur la base ethnique, régionale ou d’autres valeurs subjectives ; des programmes qui seront traduits en langues nationales pour faciliter le débat responsable de tous les membres d’un parti.

Notre pays a aujourd’hui 163 partis politiques et 21 alliances agréés pour une population de 12 millions d’habitants ; ce sont, dans leur grande majorité, des faux partis, des partis de salon ou de 4×4, qui n’existent qu’à travers des prises de position intempestives et incohérentes   de certains de leurs créateurs ou acheteurs qui s’autorisent à s’exprimer sur tous les problèmes qui assaillent notre peuple sans consulter même des cadres de leur parti.

C’est qu’Il n’y a aucune véritable adhésion sur la base idéologique ou politique ou de contrainte financière ; d’où la facilité de passer, sans gêne, d’un parti à un   autre : les cartes de membres, les frais de gestion du parti, d’achat éventuel de teeshirts et de la tenue d’instances (quand celles-ci se tiennent), etc., sont à la charge du créateur ou acheteur du parti. Aucun débat de société, « débat d’idées et de programme » au sein de ces partis, pour reprendre le professeur Alpha Condé. Aucune formation civique et politique des membres et presque tout se déroule dans la capitale, Conakry.

La situation s’est davantage aggravée depuis l’arrêt de l’agrément de nouveaux partis par le Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation : nombre d’entre de ces formations politiques qui s’agitent sur le théâtre politique guinéen s’achètent désormais au prix fort et ne se manifestent que lors des élections. D’où la brusque apparition de nouveaux   politiciens lors des récentes scrutins, même si certains, il est vrai, se sont révélés de véritables hommes politiques…

L’on s’explique alors pourquoi nombre de formations politiques guinéennes ont des clients et non des adhérents, à plus forte raison des militants.

L’on s’explique également pourquoi certaines d’entre elles ont des dirigeants orgueilleux, imbus de leur personne, de médiocres politiciens, au patriotisme douteux, « une classe politique qui se comporte comme un ensemble d’individus assoiffés de pouvoirs pour assouvir leurs seuls intérêts privés », des politiciens qui « installent le pays sinon dans le chaos, du moins dans un environnement de contestations inouïes et perpétuelles », pour reprendre Ousmane Doré, dans son ouvrage La Guinée à cœur  p. 14.

Sans avenir certain, très peux favorisent l’épanouissement des jeunes et des femmes qui veulent militer réellement pour de véritables projet de société progressistes et innovants.

Enfin, voilà pourquoi le multipartisme guinéen est devenu la risée mondiale ; il ne   s’inspire que de l’anarchie ordonnée qu’on appelle démocratie dans certains pays occidentaux au lieu de pratiquer « une démocratie laborieuse », pour reprendre encore Ousmane Doré.

Il y a donc nécessité de mettre fin à cette situation pour la survie d’une vraie démocratie apaisée en Guinée et  même pour la survie de la Nation guinéenne par la réduction démocratique du nombre de partis à agréer en Guinée et inciter ceux qui seront choisis par le peuple à l’issue  des élections législatives et/ou communales au respect scrupuleux de  leur charte qui devra être fondamentalement revue et strictement appliquée, afin de dégager un nouveau cadre de lutte politique plus cohérent, plus responsable , plus civilisé en un mot plus patriotique, parce que animé par des hommes politiques et non par  des politiciens.

La réduction du nombre de partis politiques permettra également de renouveler, progressivement, une partie de la classe politique actuelle vieillissante, devenue agaçante, acariâtre, rébarbative, dangereusement déçue de n’avoir pas pu atteindre son objectif.

Comment réduire démocratiquement le nombre de partis politiques ?

Pour innover, en réduisant le nombre de partis politiques, nous pensons que nous devons d’abord changer le mode d’agrément des partis politiques en procédant, par exemple, comme suit :

  1. L’enregistrement provisoire : les partis politiques qui souhaitent être agréés se font d’abord enregistrer au Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation. Ce qui leur donnera le droit de se présenter aux élections présidentielles, législatives et communales.
  2. L’agrément devrait se faire désormais démocratiquement : seuls les partis candidats qui auront des députés et/ou des conseillers communaux à l’issue des deux formes de scrutins seront agréés   durant les cinq ans de législature ; donc des hommes et des femmes que le Peuple charge de défendre ses intérêts et de contrôler les gestionnaires de ses biens soit à l’Assemblée Nationale soit au sein une commune.

Les formations politique enregistrées qui n’auront eu ni député ni conseillers municipaux seront purement et simplement dissoutes.

Le processus d’enregistrement reprendra un an avant les élections législatives.

En effet, il suffit de se référer aux résultats des deux dernières élections législatives pour se convaincre que le peuple de Guinée maintien encore l’esprit de la loi fondamentale du 23 décembre 1990 (élargissement d’abord progressif  du nombre de partis) et  rejette, en fait, le multipartisme intégral existant actuellement; imité de l’occident, il est devenu un facteur désintégrateur de la nation guinéenne : la 8e législature n’a enregistré que quinze (15) partis politiques et la 9e législature que dix (10)partis politiques ayant des députés; il en est de même au niveau de communes : très peu de partis y sont représentés.

Puisqu’en démocratie, le peuple est le référentiel suprême, il lui revient, soit par référendum, soit par l’Assemblée Nationale, de voter une loi imposant le vote démocratique pour l’obtention de l’agrément des partis politiques : c’est le peuple qui choisit ses mandants, députés ou conseillers communaux.

Une question que l’on peut immédiatement se poser : Est-ce que les candidats indépendants seront exclus désormais des différentes élections ?

Les candidats indépendants, électeurs et éligibles (hommes et femmes en bonne santé), peuvent se présenter aux élections présidentielles, législatives ou communales ; mais en plus    de la santé, les conditions d’âge et de parrainage (sur la base d’un nombre de signatures à recueillir   dans chacune des 33 préfectures) doivent être imposées à toute candidature indépendante pour des raisons évidentes.

C’est le lieu de noter la très prochaine difficulté qu’il faudra résoudre urgemment du fait    de l’existence du multipartisme intégral : l’application de l’article 9 alinéa 3 du décret N°031 du 27 janvier 2021 portant création, fonctionnement et attributions du Cadre Permanent du Dialogue Politique et Social : la désignation des « 2 représentant des partis de l’opposition ».

Mais limiter le nombre de partis politiques ne suffit pas pour mettre fin à la pagaille ou pour innover la pratique démocratique en Guinée.

Une autre nécessité pour réguler la pratique démocratique en Guinée : revoir en particulier la loi n°07 du 31 mars 2011 portant charte des partis politiques, la loi n°36 du 23 décembre 2014 portant statut de l’opposition politique et la loi n° 13 du 4 juillet 2005 fixant le régime des associations.  C’est dire qu’il faut également revoir les conditions de création et de fonctionnement de toutes les formations sociales.

En effet, un autre aspect désolant et même énervant de la vie politique guinéenne, c’est la confusion de rôles sciemment entretenue, mais qui doit disparaitre et définitivement, dans l’intérêt de notre peuple : l’on ne se retrouve plus entre partis politiques, alliances, sociétés civiles, ONG, etc., dont la plupart ne sont même pas agréés.

Non seulement le nombre est excessivement élevé, mais la plupart de ces organisations sociales s’occupent et parlent de tout, s’associent tantôt aux partis politiques tantôt aux syndicats, s’autorisent des prises de position politiques ou donnent des leçons et croient même que leurs décisions ou recommandations sont à respecter, et même à appliquer intégralement et obligatoirement par le gouvernement, sinon manifestations, contestations, casses, etc.

Et on les a laissé faire jusqu’ici. D’où l’anarchie qui a nui à notre pays et qui risque de continuer à lui nuire, si on ne revoit pas les conditions de création et de fonctionnement de toutes les formations sociales et si on n’applique pas les sanctions qu’elles encourent si elles les violent ; en dehors de  la limitation démocratique du nombre  de partis, celle des autres   formations sociales devra se faire  en fonction   des objectifs qu’elles se fixent et  les formes d’activité qu’elles adoptent ; la situation récente prouve que  ces deux facteurs(objectifs et formes d’ actions ou d’activités) sont parfois  les mêmes pour un certain nombre  de formations sociales ; celles qui s’affirment, en général ,apolitiques.

Ce qui réduit, énormément, leurs moyens et l’impact de leurs actions, les mêmes sociétés privées, ambassades et organisations internationales étant les mêmes sources de financement pour toutes ces formations.

Un autre conflit a émaillé la vie politique guinéenne : l’accord sur la désignation des membres de quartier et de district.

De la nécessité de se limiter aux élections municipales sans autres accords entre partis relatifs aux quartiers et districts

Sous la Révolution (1958-1984), parce qu’elles se sentaient libres, concernées et responsables de tout ce qui se passait dans leur localité, les populations étaient habituées à choisir librement leur responsable à tous les niveaux, en particulier aux quartiers et districts appelés alors PRL, pouvoirs révolutionnaires locaux ; des responsables qu’elles pouvaient contrôler à tout moment et auxquels elles voulaient obéir librement et en toute connaissance de cause.

Cette pratique a résisté à toutes les contradictions même antagoniques pendant 26 ans parce que la vocation du régime était non seulement socialiste, mais il existait aussi un Etat et un parti unique forts et vigilants, impitoyables face à toute tentative de division, à toute velléité de remise en cause de l’unité nationale.

A partir du 3 avril 1984, l’option idéologique et politique avait   complément changé et le domaine d’intervention direct du peuple était restreint. Les responsables des quartiers et les districts étaient désormais nommés par l’administration.

Le multipartisme intégral a été imposé au peuple   le 23 septembre 1991. Les autorités du pays et les acteurs politiques ne se sont pas rendus compte que les populations guinéennes n’accepteraient plus le choix d’un responsable de proximité par un parti ; même le leur.

Si donc les accords entre partis relatifs au mode de désignation des responsables de quartiers et de districts n’ont pas été appliqués à l’issue des scrutins municipaux de 2020 (choix et nomination par le parti victorieux), c’est parce que c’étaient des accords entre états-majors des partis politiques que l’on voulait imposer sans consultation préalable des membres des partis, qui ne s’étaient pas sentis concernés par lesdits accords ; les membres des différents partis  continuent à se considérer comme un ensemble des populations d’un quartier ou  d’un district que la politique politicienne n’ a pas réussi à  diviser. Il n’a ainsi été enregistré aucune protestation populaire contre la non-application de ces accords dans les quartiers et districts, le libre choix des populations n’ayant pas été retenu.

Par ailleurs, s’étant très vite rendu compte qu’appliquer ces accords, c’était donner le moyen légal aux partis de le paralyser à la base, le gouvernement a refusé de les appliquer.

En effet, jusqu’à ces accords, les quartiers et les districts étaient désormais des structures de base de l’administration ; leurs responsables étaient désormais désignés par celle-ci comme cela se fait dans de nombreux pays africains qui ont les mêmes options politiques.

Les faire désigner par les partis dans un pays comme la Guinée où le patriotisme n’existe presque plus, où tout est politisé, où l’anarchie continue à sévir presque impunément et où une expérience unique en Afrique est en cours, le développement communautaire  grâce au FODEL et l’ANAFIC(1) , est devenue une réalité tangible au point que nombre de pays africains envoient leurs cadres s’inspirer de cet exemple, c’était donner des moyens à certains politiciens de bloquer l’administration  à la base, pénaliser les populations  de ces structures en les privant de ces moyens de développement et rompre la paix devant régner au sein de leurs populations.

C’est pourquoi les autorités guinéennes se sont montrées fermes et inflexibles sur cette question ; elles ne veulent en discuter à quelque niveau que ce soit.

C’est le lieu d’encourager vivement les candidatures indépendantes lors des élections dans les 362 communes urbaines et rurales.

En effet, la gestion des municipalités guinéennes, urbaines et rurales, doit échapper, autant que faire se peut, à l’agitation politicienne dans laquelle se complaisent certains politiciens guinéens. Echappant ainsi à tout conflit superficiel, les populations laborieuses se consacreront au seul développement de leurs localités. Et leurs conseillers municipaux, très souvent ressortissants habitant la localité, n’auront qu’un souci : être élus ou réélus sur la base de leur contribution personnelle à la réalisation des objectifs promis.

A propos du « Cadre Permanent du Dialogue Politique et Social »

Le dialogue était entre les partis politiques et ses résultats, selon les partis de l’opposition, devaient être appliqués obligatoirement par le gouvernement.

Certes, le peuple de Guinée a tranché le 22 mars 2020 et le 18 octobre 2021. Mais convaincu qu’on est  toujours plus intelligents à plusieurs et ayant des objectifs  unitaires  et progressistes  sur tous les plans: une nation  véritablement unie sur l’essentiel, un développement économique et social intégral et harmonieux, la considération et le respect de soi–même et par des étrangers, le Chef de l’Etat a accepté de  mettre en place, suite à plusieurs consultations,  «  cette plateforme de concertation  et d’échanges »  qui élargit les débats  à tous les acteurs sociaux et portant sur les aspects politiques, économiques, sociaux, etc., afin que les Guinéens patriotes privilégient le consensus  et  se sentent tous concernés et responsables du succès escompté de sa politique, tout en permettant aux partis politiques de l’opposition de se développer dans la paix et la sécurité, à travers des combats d’idées et de programme qui permettent aux Guinéens de se conscientiser d’ avantage et de renforcer le mieux vivre dans l’entente, la compréhension, le pardon et la solidarité vraie.

Nous n’appréhendons que deux écueils :

Depuis la signature du décret y relatif, même nos « amis étrangers » s’agitent et souhaitent même participer à ce dialogue. Nous pensons qu’Ambassades accréditées en Guinée ou délégations venues de l’étranger, leur participation doit se limiter à l’ouverture et à la clôture de ces rencontres qui devront se faire strictement entre Guinéens qui doivent s’assumer ; ne donnons plus l’occasion aux étrangers de se mêler de nos problèmes, de bafouer la souveraineté de notre pays, de jouer double jeu entre nous comme nous l’avons vécu récemment.

Nos problèmes étant créés par nous, c’est à nous de leur trouver des solutions appropriées, comme nous avons réussi à échapper aux pressions extérieures lors des récents scrutins parce que financés par nous.

N’acceptons aucune communication sur tel ou tel cas africain ou européen par tel ou tel éminent consultant, même financé par une ambassade ou une organisation internationale.

Nous avons acquis suffisamment d’expériences et bénéficié de suffisamment de stages, d’ateliers, séminaires in situ et de voyage d’étude à l’étranger pour que, nos problèmes étant spécifiques, leurs solutions ne soient   spécifiquement guinéennes.

Quant aux résultats de chaque dialogue, ils doivent se présenter, comme l’affirme ledit décret, sous forme de recommandations et non d’accords à appliquer mordicus par le gouvernement, sans tenir compte du contexte et d’éventuelles difficultés d’application.      

El hadj Sidiki Kobélé Keita