Accueil À LA UNE Non M. Tibou Kamara, nous ne sommes pas tous coupables !

Non M. Tibou Kamara, nous ne sommes pas tous coupables !

Justice, pas dilution :

Dans sa tribune intitulée “Nous sommes tous coupables”, Monsieur Tibou Kamara convoque la mémoire collective pour inviter à la prudence, au pardon et à la compréhension des complexités du pouvoir en Guinée. Son propos est élégant, son regard pénétrant. Mais il repose sur une idée que je ne peux partager : celle d’une culpabilité généralisée qui, sous couvert de lucidité, risque de devenir un piège moral et politique.

Non, nous ne sommes pas tous coupables. Dire cela, ce n’est pas se draper dans la vertu ni nier les responsabilités collectives dans certaines dérives de notre histoire. C’est simplement rappeler une évidence démocratique : la responsabilité est personnelle. La justice est fondée sur les faits. La vérité, elle, ne se construit pas dans l’amalgame.

L’histoire récente de la Guinée est marquée par des tragédies, des abus, des silences. Mais à chaque étape, il y a eu des choix. Et tous les Guinéens ne les ont pas faits dans le même sens. Il y a eu des complices, des bénéficiaires, mais aussi des victimes, des lanceurs d’alerte, des voix courageuses, parfois solitaires. Tous n’ont pas applaudi. Tous n’ont pas profité. Tous n’ont pas obéi. Faire l’économie de cette distinction, c’est faire injure à ceux qui ont payé le prix fort pour leur intégrité.

Monsieur Kamara rappelle la célèbre formule de Siradiou Diallo, qui comparait la Guinée post-Sékou Touré à l’Allemagne post-nazie. Mais il faut aller jusqu’au bout de cette comparaison : l’Allemagne a nommé les coupables, jugé les criminels, reconnu les erreurs de l’État. Elle ne l’a pas fait pour se venger, mais pour reconstruire. La vérité et la justice ont été le socle de sa réconciliation. Pourquoi la Guinée ne mériterait-elle pas cette même rigueur ?

Nous savons que le pouvoir en Guinée a souvent été vertical, opaque, et influencé par des cercles invisibles. Mais cela ne signifie pas que tout le monde est responsable de tout. Il faut sortir de cette idée d’une culpabilité diluée, insaisissable, qui confond bourreaux et victimes, gouvernants et gouvernés. La vraie réconciliation ne naîtra jamais du flou. Elle exige de nommer les faits, d’établir les responsabilités, et de reconnaître les souffrances.

La justice ne peut pas être sélective. Mais elle ne peut pas non plus être aveugle.

Si elle est indépendante, elle distinguera. Elle éclairera. Et elle rétablira une vérité trop longtemps étouffée. Il ne s’agit pas de juger un peuple. Il s’agit de rendre justice à un pays.

La Guinée a besoin d’un avenir, mais elle ne peut le construire qu’en faisant la paix avec son passé — non pas par le silence ou l’oubli, mais par le courage de la lucidité. Ce n’est qu’à cette condition que notre société pourra tourner la page, et non la déchirer.

A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.

Elhadj Aziz Bah

Consultant principal en gestion, auteur et expert en transformation stratégique

Caroline Du Nord, USA

*Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.