Le débat va dans tous les sens. Les propositions fusent de tous les côtés. Avant de se lancer dans le débat, ne devrait-on pas chercher à comprendre les différents enjeux liés à la transition? Les énergies se focalisent, dans ce débat, surtout autour de la durée de la transition. À date, plusieurs propositions sont faites sur la durée sans presque aucun mot sur le contenu de la transition. Comme si la durée de la transition n’était pas fonction de son contenu. C’est le lieu et le moment de se demander s’il est possible de fixer la durée de la transition en faisant fie à son contenu.
La question que l’on devrait se poser nous semble la suivante avons-nous besoin d’une transition courte ou longue? Et que doit- on faire durant ladite transition?
Pour rappel, notre pays la Guinée a connu deux transitions militaires : celle de 1984 à 1993, d’une durée de 9 ans et celle de 2008 à 2010, d’une dune durée de deux ans. Avec le recul, il est possible de dire beaucoup de choses sur ces deux transitions. Il est évident que quelque chose n’a pas bien fonctionné durant ou après ces deux transitions. Car, nous sommes encore, en 2021, à la case de départ. Donc la durée de la transition n’est pas une garantie de son succès. La volonté des acteurs et les actes qu’ils posent semblent être plus importants que la durée en soi.
Pour revenir à notre sujet, il nous semble hasardeux de s’aventurer dans la définition de la durée de la transition en ne se basant pas sur son contenu. À notre avis, cinq (5) axes prioritaires sont à suivre durant cette transition, il s’agit notamment des sentiers concernant le fichier électoral et l’organe chargé des élections, la constitution, l’audit, la justice et la réconciliation nationale. Si les acteurs de la transition, avec une bonne dose de volonté et de détermination, se concentrent sur ces cinq axes, ils pourraient faire de la transition une réussite. Nous estimons qu’il est possible de réaliser ces cinq sentiers en totalité ou en partie durant une période allant de douze (12) mois à dix-huit (18) mois :
Le plus grand sentier de cette transition devrait être l’assainissement ou l’établissement du fichier électoral. Il est impératif, dès à présent, de faire le diagnostic du fichier électoral et déterminer l’étendue du travail à réaliser. Quel que soit l’état des lieux, il est possible d’obtenir à terme un fichier propre, consensuel, permettant de faire une élection transparente dont le résultat sera acceptable par tous en douze mois. Ainsi, les différentes élections (référendum, législative et présidentielle) pourraient être organisées par la suite, soit du douzième mois au dix-huitième mois. Parallèlement à l’assainissement du fichier, il serait important de mettre en place un véritable organe chargé d’organiser les élections dont les membres seront imputables devant le peuple de Guinée.
Le deuxième grand sentier de cette transition devrait être l’adoption de la constitution par référendum. Avons-nous besoin d’écrire une constitution en partant de rien? La constitution de 2010 qui a été foulée au sol par l’ancien président pourrait servir de point départ. Cette constitution a obligé l’ancien président de se noyer à cause des intangibilités qui y figuraient. Il serait plus intelligent de mettre en place un collège de constitutionnaliste et de leur confier le travail de mise à jour et/ou d’adaptation de la constitution de 2010. En trois (3) mois ou six (6) mois, ce collège de constitutionnaliste nous permettrait d’obtenir une constitution digne de nom. Cette option nous ferait gagner en temps et surtout nous ne pas dépenserions pas de l’argent pour un travail déjà fait. Ladite constitution pourrait être vulgarisée durant six (6) mois afin de la faire connaitre par le peuple. Après cette vulgarisation, on pourrait commencer les élections par le référendum. Cette première élection pourrait être le premier test du fichier électoral assaini. Ceci nous permettrait de s’assurer de la fiabilité et viabilité de notre fichier et faire des corrections nécessaires, au besoin.
Le troisième grand sentier de cette transition est l’audit de la gouvernance des onze ans de l’ancien président, voire au-delà. Il s’agirait de créer des structures de contrôle et d’audit permettant de récupérer des fonds faramineux détournés en Guinée.
Le quatrième grand sentier de la transition devrait être la justice. Beaucoup de crimes économiques et de sang ont été commis en Guinée. Pour empêcher l’éternel recommencement, il serait mieux de rendre justice afin de montrer aux uns et aux autres que nul n’est au-dessus de la loi.
Le cinquième grand sentier de la transition devrait être la réconciliation nationale (rebâtir l’unité nationale). Il s’agirait de mettre en place des structures adéquates et choisir des hommes et femmes crédibles pour jeter les bases d’une refondation de l’unité nationale.
Les trois derniers sentiers à savoir l’audit des gouvernances passées, la justice et la réconciliation nationale pourraient être entamés durant la transition mais compte tenu de leur étendue et leur profondeur, ils ne peuvent être achevés. Les deux premiers sentiers, par contre, peuvent nous permettre de doter la Guinée d’un bon fichier, d’un organe indépendant chargé d’organisé les différentes élections en Guinée et d’une constitution digne de nom.
En plus de ces cinq grands sentiers, d’autres sentiers et non les moindres tels que la mise en place d’institution forte peuvent être réalisés : la cour constitutionnelle, la cour suprême, la haute autorité de la communication, la haute cour de justice, le conseil économique et social… Les institutions existantes qui ont été phagocytées par l’ancien président peuvent être toilettées.
Il nous semble important de rappeler aux uns et aux autres que la construction d’une nation ne se fait pas par une baguette magique ou par un claquement de doigts. C’est un long processus qui nécessite beaucoup de temps, d’énergies, d’intelligences, de compétences, de synergies, de détermination, de persévérances et de ressources. Il serait suicidaire de croire que le CNRD peut construire la nation guinéenne. Par contre le CNRD peut grandement en contribuer en faisant le premier pas et en montrant l’exemple à travers leur comportement durant cette période transitoire.
De ce qui précède, nous pensons qu’il est important de ne pas se disperser durant la transition et de se concentrer sur l’essentiel. Il est important de savoir qu’un gouvernement de transition n’a pas pour vocation de développer un pays mais plutôt de jeter les bases de son développement. Que l’on ne se trompe surtout pas, les flagorneurs ont commencé de faire croire dans leur diatribes que nous sommes souverains et que nous sommes assez grand pour nous passer des autres. Entre le discours sur la souveraineté de notre pays ou de tout autre pays africain et la réalité il y a un grand fossé. Si nous voulons réellement être souverains, c’est une très bonne opportunité de bien commencer. Tachons de ne pas manquer ce nième rendez-vous. Pour cela, il est temps de redescendre sur terre. Ne nous faisons pas d’illusion. Les membres du CNRD sont des hommes ordinaires qui ont réalisé un acte extraordinaire en libérant la Guinée de la dictature de l’ancien président. Ils ne sont ni des hommes extraordinaires, ni des hommes providentiels. Ils ont juste exécuté un décret divin. Ne nous trompons pas et ne les trompez pas. C’est ainsi et seulement ainsi que nous contribuerons à la réalisation d’une transition extraordinaire pour notre pays.
Qu’ALLAH bénisse la Guinée et les guinéens. Amine.
Par Elhadj SOUMAH
Montréal (QC), Canada