Ancien Ministre de la Communication à la Présidence de la République de Guinée, sous la transition avec le CNDD dirigée à l’époque par le capitaine Moussa Dadis Camara, Idriss Chérif, le leader de l’Union pour le Changement en Guinée (UCG) est formel : si l’élection présidentielle en Guinée se déroule en 2020, il a une forte conviction de la remporter haut la main. Il s’est exprimé dans un entretien exclusif au quotidien sénégalais Rewmi.
Avant, il était un très proche collaborateur du Président Lansana Conté. C’est là où Dadis a fait sa connaissance. Le Président Conté l’envoyait partout en mission. Il avait de très bonnes relations avec lui. Il a fait, pour lui, des missions très difficiles.
Les Guinéens l’ont connu après l’avènement du CNDD. Il était visible tout le temps auprès de Dadis Camara. Ingénieur en Logique et conception de programmes, il a une maitrise en Sciences politiques, ce qui l’a rapproché de la politique. Idriss Chérif a commencé la politique au collège avec un mouvement en Côte d’Ivoire. Car, il est Ivoirien du fait d’une loi qui disait que tous ceux qui étaient nés dans ce pays entre 1960 et 1972, sont Ivoiriens. « Mes enfants eux sont nés aux Etats-Unis et sont Américains. C’est leur droit. »
Idriss Chérif qui revendique une amitié très forte avec la classe politique sénégalaise est candidat à la Présidentielle guinéenne de 2020. Entretien.
Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de créer un parti politique ?
Pour moi, la politique est une passion. Quand j’étais jeune, quand l’animatrice de télévision, dans une émission pour petits, m’avait demandé ce que je voulais faire quand je serais grand, j’ai répondu que je voulais être Président de la République.
C’est une vocation, un rêve. J’étais déjà membre du Bureau de l’Association des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire.
Je me suis cultivé dans la politique parce que j’avais une grande admiration pour la personne de Houphouët-Boigny. Je suivais ce grand homme, j’étudiais son parcours, je me suis formé… Et après, j’ai travaillé au Ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur, Directeur des Etudes, Conseiller du Président Conté, Conseiller technique de Ministres… Voilà, c’est un parcours politique et administratif assez riche.
Depuis quand avez-vous créé ce parti ? Quelles sont vos orientations politiques et programmes ?
C’est un parti que j’ai rejoint, je ne l’ai pas créé moi-même. C’était un parti né depuis 2010. D’abord l’APG a fusionné avec l’UGC, et je suis en train de le réformer pour en faire un grand parti. Ce parti sera la deuxième force de la Guinée en 2020.
Comment se porte ce parti en termes de massification ?
Je viens de prendre ce parti en marche. Il y aura un congrès au mois de février prochain. Je suis en train de réformer ce parti avec ma vision, ma façon de voir, et nous sommes en train de travailler à cela.
Avez-vous des ambitions d’être candidat à la prochaine élection présidentielle ?
En 2020, je suis l’un des candidats les plus en vue parce que j’ai un programme qui sera inattaquable. Un programme déjà certifié. J’ai entamé plusieurs négociations. Je ne viens pas pour parler, mais pour montrer ce que je vais faire. C’est pour cela que je fais le tour des Chefs d’Etat pour les rencontrer, ainsi que prendre langue avec de grands opérateurs économiques et des partenaires arabes, etc. Ceci afin d’étudier les maux qui gangrènent la société guinéenne et y trouver des solutions appropriées. C’est pour toutes ces raisons que je serai élu en 2020 car toutes les conditions sont réunies pour qu’il en soit ainsi, si le Bon Dieu le veut.
Si on devait vous classer, êtes-vous proche de la mouvance présidentielle ou de l’opposition guinéenne ?
Tout parti a ses orientations. Alpha, par exemple, il est socialiste et moi, je suis libéral. Et pour être proche de quelqu’un, il faudrait que vous ayez les mêmes visions politiques. J’ai ma vision à moi et les autres ont les leurs.
Le fait pour vous d’avoir un moment cheminé avec le CNDD et Dadis Camara, ne constitue pas une sorte de frein à ses activités en Guinée ?
Qu’est-ce qu’on lui reproche à Dadis ? Si cela est vrai, cela fait 10 ans, c’est-à-dire suffisamment de temps pour le juger par rapport aux faits qu’on lui reprocherait. Si c’est le 28 septembre, il y a eu plusieurs 28 septembre. Quelle est la différence entre les différents morts sous les différents régimes ? Je crois que les Guinéens doivent se mettre au-dessus de tout cela et créer les conditions d’une bonne démocratie en Guinée. C’est cela qui est la solution.
Au regard de la situation intérieure actuellement, notamment ce projet de modifier ou de faire une autre Constitution, comment votre parti se positionne-t-il aujourd’hui par rapport à ce projet ?
Peut-être que je vais décevoir certaines personnes sur ce problème de Constitution. Je me suis déjà prononcé pour donner ma solution. J’ai toujours dit que c’est la bonne foi qu’il faut voir. Il faudrait que l’on dise pourquoi ce besoin d’une nouvelle Constitution ? Si une Constitution est faite par les hommes, on doit pouvoir changer la Constitution, mais pour l’intérêt supérieur des Guinéens. Le besoin doit être non politique, mais institutionnel, étatique. Il faudra que l’on voie, dans le changement, l’intérêt exclusif du peuple. Et dans ce cas, je suis d’accord. Mais si c’est dans l’intérêt d’une personne, je ne suis pas d’accord. On ne peut pas personnaliser une Constitution alors qu’on a besoin d’une bonne démocratie.
Je sais qu’on a une Constitution qui est boiteuse, car une Constitution qui n’a pas été soumise à un vote populaire et à un référendum, ce n’est pas une constitution. Donc, cette Constitution guinéenne actuelle est malade. Il faut repenser cette Constitution et la faire voter, c’est tout. Une fois qu’elle est votée, on fait des amendements et on l’adopte. Mais, se mettre dans un bureau avec 15 et 20 personnes et rédiger une Constitution, ce n’est pas la meilleure manière de faire un meilleur texte.
En 2009-2010, en Guinée, il y a eu des évènements pour arracher la démocratie, mais tous les partis concernés se sont assis autour d’une table pour rédiger cette Constitution. Même si elle a été approuvée par l’ensemble des Guinéens, elle n’en est pas pour autant parfaite. Il faudrait changer certains articles et continuer.
Si Alpha Condé a fini ses mandats, qu’il remercie les Guinéens et qu’il parte. Il a vraiment fait beaucoup de choses, mais on ne peut pas tout faire. A un certain moment, il faudra savoir partir pour laisser ce pays dans la paix, c’est le meilleur héritage qu’il peut laisser aux Guinéens.
Mais s’il faut changer la Constitution pour qu’il reste, je ne vais jamais cautionner cela.
Au regard de tout ce qui se passe actuellement, notamment les manifestations du FNDC, est-ce que la Guinée ne risque pas de connaitre une instabilité politique profonde ?
Je pense que l’opposition doit faire appel à son bon sens. Il faut que tout le monde s’assoie et que l’on discute. Qu’est-ce que ces manifestations apportent ? Rien ! Alpha Condé demande aux proches de commencer la campagne pour les législatives. Et nous, de notre côté, on est tous absents pour ces législatives. Mais, lui, il avance. Les manifestations n’apportent que la violence et des morts, tous les jours. Pour le moment, il n’y a eu aucune sanction internationale. Mais, le peuple est toujours en deuil. Il y a des personnes qui sont tuées sans que l’on sache par qui ? Pouvoir ou opposition ?
Il faut qu’on ait le courage de s’asseoir et de discuter. Et on doit faire en sorte qu’il n’y ait plus de coup d’Etat, plus de militaires au pouvoir en Guinée.
La Guinée est estampillée accident géologique avec des ressources minières plus importantes que celles d’autres pays, est-ce que ce n’est pas là une cause d’instabilité avec la concurrence des grandes puissances pour le contrôle de ces ressources ?
Même si la Guinée a autant de ressources, le Guinéen moyen vit avec moins de deux dollars par jour. La Guinée a un PIB de 10 milliards de dollars. La Côte d’Ivoire de 50 milliards de dollars, le Ghana de 55 et le Nigéria de 483 milliards de dollars tandis que le Sénégal vient juste après la Côte d’Ivoire. La Guinée fait partie des 10 pays les plus pauvres du monde. Il y a un réel problème économique dans ce pays. Les ressources ne sortent même pas du sous-sol en dehors de la bauxite, de l’or, etc. Parce que sur le plan international, il n’y a plus de négociation, tout est fermé et les caisses sont vides.
Donc, nous avons analysé tout cela et nous avons un programme macro-économique que nous allons mettre en place. Et vous allez voir que les ressources minières qui constituent à peu près 25 millions de dollars, vont commencer à servir au pays.
Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui pensent que le problème de la Guinée, c’est le vote ethnique ?
C’est vrai qu’en Guinée, le vote est ethnique. On le constate depuis 2010. Au temps de Sékou Touré et de Conté, cela n’existait pas. En Côte d’Ivoire, au Mali, en Guinée Bissau, on retrouve à peu près la même situation. C’est un problème africain. Le cas de la Guinée n’est pas isolé.
Mais, en Guinée, le cas est critique. Les Malinkés votent Malinké, les Peulhs votent Peulh, les forestiers comme moi n’ont pas de position particulière. Soit ils votent Malinké, soit ils votent Peulh.
Vous avez un carnet d’adresses à travers les Chefs d’Etat africains et de mineurs financiers à travers le monde, concrètement, qu’est-ce que vous pouvez apporter à votre pays et à des pays africains comme la Guinée-Bissau ?
J’ai des relations fraternelles avec le Président Embalo de la Guinée-Bissau. Comme il a été élu, c’était mon devoir d’aller le voir pour lui présenter mes félicitations et mes encouragements. Et je me rendrai à son investiture et lui donner éventuellement quelques conseils.
Je pense que les Bissau-guinéens doivent apprendre à faire confiance à Embalo. Le pays a un problème militaire et un problème politique. Il peut assainir la Constitution qui est un peu conflictuelle, réunir militaires et politiques autour de sa personne, réduire l’influence des militaires, notamment dans les nominations, etc.
J’ai, par ailleurs, de bonnes relations en Afrique et dans le monde : Etats-Unis, Europe, monde arabe, Afrique centrale, etc. Je suis opérateur économique et je le PCA de deux entreprises qui se portent bien.
Si vous étiez élu, quelles seraient vos relations avec Dakar ?
J’ai un grand respect pour le peuple sénégalais et surtout pour la classe politique sénégalaise. Ceux qui veulent apprendre la démocratie en Afrique viennent au Sénégal où chacun vient s’inspirer. Un pays qui a eu son indépendance en 1960, qui n’a jamais connu de perturbation politique, donc une stabilité croissante. Si les Sénégalais veulent changer, ils le font, mais ils savent respecter les politiques.
Donc, si je suis Président, je viendrai m’inspirer du Sénégal et je vais tisser de très bonnes relations avec mes frères du Sénégal. C’est pourquoi j’ai de très bonnes relations avec Idrissa Seck, le Président Macky Sall dont j’approuve les idées. Cette dynamique avec toute cette crème autour de lui a pesé dans le climat social, le climat de paix.
Le pays est stable, en paix, il n’y a pas de menace contrairement à ce qui se passe ailleurs.
Propos recueillis par Assane Samb