Christian Tumi, archevêque émérite de Douala, est décédé ce samedi 3 avril dans un hôpital de la ville. C’est son successeur, Monseigneur Kléda, qui l’a annoncé ce samedi matin dans un communiqué. Âgé de 91 ans, le prélat était l’une des plus grandes voix et autorité morales du Cameroun. Il s’était notamment investi ces dernières années dans la recherche de pistes de sortie de crise dans le conflit que traverse le pays.
Christian Tumi était retraité de l’autel des paroisses depuis 2009 après 43 ans de vie de prélat, mais il n’en a jamais véritablement profité. La faute à la crise anglophone qui secoue son pays depuis bientôt cinq ans. Le cardinal Christian Tumi a en effet mobilisé ce qu’il lui restait de forces pour tenter de ramener la paix dans ces régions si chères à son cœur, lui, fils du Nord-Ouest anglophone où il naquit en 1930, dans le petit village de Kikaikelaki.
Ainsi, il se plaçait aux devants de la scène camerounaise, invitant sans répit le gouvernement et les séparatistes à un dialogue inclusif pour une solution concertée au conflit dans ces régions. Son investissement dans cette crise avait déjà d’ailleurs failli lui coûter la vie. En novembre 2020, il avait été enlevé, puis libéré 24 heures plus tard, par des hommes armés se réclamant de la sécession anglophone.
Avec le pouvoir de Yaoundé, ses rapports ont toujours été à la méfiance, voire conflictuels. Il était épié, craint, redouté… C’est ainsi que son idée de la conférence générale des Anglophones, qu’il voulait être un cadre de concertations entre les parties prenantes du conflit, s’est heurtée à l’hostilité de l’État camerounais.
« Une autorité morale irremplaçable »
Ancien porte-parole de la Conférence épiscopale anglophone du Cameroun et proche du prélat défunt, Elie Smith salue ainsi la mémoire d’un homme « sincère ». « Il disait toujours qu’il reconnaissait Paul Biya en tant que président, mais que la doctrine sociale de l’Église l’obligeait à dire la vérité au pouvoir. Il était avant-gardiste. Il a commencé en 1975. C’est lui qui, le premier, a critiqué Ahmadou Ahidjo en disant qu’Ahmadou Ahidjo était corrompu. Donc le Cameroun perd là une autorité morale qui est irremplaçable », regrette Elie Smith.
Malgré des idées politiques divergentes, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale salue la mémoire « d’un Camerounais fier de ses racines ». Pour Grégoire Owona, Mgr Tumi incarnait « le respect de la légalité, le respect mutuel, la justice et le souci des autres ». « Il a beaucoup apporté au diocèse de Douala dont il était l’archevêque ».
« J’ai perdu un ami, j’ai perdu un mentor, j’ai perdu un prélat, j’ai perdu un homme de Dieu, j’ai perdu une personne qui était tout pour tout le monde », a de son côté réagi John Fru Ndi, président du Social Democratic Front (SDF), voyant lui aussi dans le cardinal Tumi une personne « honnête » et « sincère ».
« Bien qu’étant un cardinal catholique romain, il a construit des ponts avec les musulmans, les baptistes ou les protestants », observe John Fru Ndi. « Avec toutes les qualités qu’il avait en lui, je pense que nous aurions pu résoudre un certain nombre de choses, mais elles sont perdues maintenant. »
RFI