Voici l’analyse de l’UFDG contre le rapport du gouvernement sur violences politiques en Guinee

Introduction

Le gouvernement Guinéen a publié, en mars 2020, sous la signature du Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD) et du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile (MSPC), un document intitulé « Rapport sur les violences politiques en Guinée (2019-2020) et les enquêtes judiciaires en cours ».

Ces deux Ministères qui ont coordonné la répression des manifestations pacifiques contre le troisième mandat tentent de blanchir le gouvernement en rejetant la responsabilité des violences sur l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) et le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC).

Ce rapport omet volontairement de mentionner que le FNDC et l’UFDG sont plutôt les victimes des violences perpétrées par les forces de défense et de sécurité avant, pendant et après le double scrutin du 22 mars et au lendemain de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020.

 

Le rapport ne fait aucunement mention des 99 citoyens tués par les forces de défense et de sécurité pendant les manifestations du FNDC contre le troisième mandat et de la volonté des autorités de faire disparaitre les preuves en enterrant, nuitamment, dans des fosses communes en pleine forêt à Nzérékoré, une trentaine de victimes.

 

Le rapport ne fait pas non plus mention des violences déclenchées contre l’UFDG et l’ANAD au lendemain du scrutin présidentiel du 18 octobre, violences qui ont fait à leur tour 51 morts, des centaines de blessés et au moins 400 arrestations arbitraires.

 

Le gouvernement, malgré les interpellations des Organisations de défense des droits de l’homme et des organisations internationales, a systématiquement refusé de reconnaitre ces crimes et exactions et d’ouvrir des enquêtes pour identifier et sanctionner les auteurs et commanditaires. Les autorités sont restées fidèles à leur tradition de garantir une impunité totale aux agents des forces de défense et de sécurité lorsque ceux-ci, dans la répression des manifestations pacifiques de l’Opposition, font usage de leurs armes à feu.

 

Dans ce rapport, on parle pourtant « d’enquêtes judiciaires », mais jamais d’enquêtes visant à identifier les auteurs des crimes et exactions commis contre des citoyens membres de l’Opposition politique ou du FNDC.

Dans le document, le gouvernement accuse, sans aucune preuve, l’UFDG et le FNDC « de fabrication, de détention, de stockage d’armes de guerre et de tentative de déstabilisation des Institutions de la République ». Le Procureur de la République reprend intégralement ces accusations et déclenche des poursuites contre les militants et les dirigeants de l’UFDG, de l’ANAD et du FNDC.

 

Alpha Condé, dans ses sorties publiques, soutient ces accusations grotesques et fallacieuses attribuées par le rapport à l’Opposition politique et au FNDC.

 

Cette position du gouvernement appuyée publiquement par Alpha Condé et qui constitue

du reste une ingérence de l’Exécutif dans le Judiciaire peut-elle être démentie par des

officiers de police judiciaire ou des juges complètement inféodés au pouvoir ?

 

Sûrement non. Donc la messe est dite. Il ne reste donc plus qu’à prononcer et à exécuter les

sentences. Renvoyant à une technique bien éprouvée du pouvoir d’Alpha Condé, le montage de toutes pièces de complots dignes des heures les plus sombres des régimes communistes, ce document est tissé de contre-vérités, d’approximations et d’interprétations grossièrement orientées.

 

Notre objectif n’est pas de démentir ou de déconstruire toutes ces contre-vérités. Nous allons juste essayer de soumettre certaines d’entre elles à l’épreuve des faits pour en démontrer la fragilité, l’inconsistance et parfois l’absurdité.

 

I- De la Constitution du FNDC

 

Dans ce panaché d’inepties, il est indiqué que :

« Les faits remontent à janvier 2020, lorsque certains partis politiques guinéens de l’opposition, une partie de la Société civile, des Activistes sur les réseaux sociaux, quelques Artistes, des Membres de la Diaspora guinéenne et d’autres structures ont décidé de s’opposer d’une part à un changement constitutionnel en République de Guinée et d’autre part à un éventuel nouveau mandat de Monsieur le Président de la République ».

A travers cette affirmation, le gouvernement reconnaît, sans doute sans s’en rendre compte, le caractère largement représentatif du FNDC qui est une émanation de toutes les composantes politiques et sociales du pays. Les missions du Front sont clairement définies et correspondent exactement à la vocation de la société civile et de l’Opposition politique, à savoir jouer le rôle de lanceurs d’alerte en dénonçant objectivement et en s’opposant par tous les moyens légaux à la violation de la Constitution et des lois de la République.

Est-il besoin de rappeler que la Constitution de 2010 reconnaît aux citoyens le droit de manifestation et de cortège (Article 10) et au peuple de Guinée « le droit de résistance à l’oppression » (article 21 alinéa 4).

En plus des manifestations pacifiques dans les rues et sur les places publiques, le FNDC a usé de moyens légaux et pacifiques en saisissant les autorités religieuses et morales du pays, les juridictions nationales et régionales ainsi que les Organisations internationales. En effet, le FNDC a saisi la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême, la Cour de Justice de la CEDEAO, la Cour Pénale Internationale et a attiré l’attention de la CEDEAO, l’UA, l’UE et les NU sur le caractère illégal du changement de Constitution et les risques que le troisième mandat faisait peser sur la paix, la démocratie et la cohésion nationale.3

II- Des prétendus appels à la violence d’acteurs politiques et de la société civile

Dans ce rapport, les auteurs ont compilé des propos tirés des discours et des déclarations politiques des membres de l’Opposition et du FNDC ou de leurs publications sur les réseaux sociaux. Ces propos, sortis de leur contexte, visent à donner un caractère violent ou insurrectionnel au combat légal et légitime des adversaires du troisième mandat et de la fraude électorale. Par contre, les propos irresponsables de Alpha Condé, des membres de son gouvernement, des responsables et communicants du RPG incitant à la haine ethnique et à la violence, ne font l’objet d’aucune dénonciation et moins encore de sanctions.

Les propos que tiennent quotidiennement des jeunes financés, entretenus et protégés par Alpha Condé, Cheick Affan, Fatou Gnelloye, Ousmane Gnelloye, Oulada, sont particulièrement édifiants à cet égard. Ci-dessous quelques illustrations :

-Alpha CONDE, « Quiconque sort sa queue, nous allons la couper ».

-Alpha CONDE, « Dans les autres pays où il y a eu de nouvelles Constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait ».

-Alpha CONDE à ses partisans « Soyez prêts à l’affrontement ».

-Alpha CONDE qualifiant l’élection présidentielle d’octobre 2020 : « cette élection n’est pas

seulement une élection, c’est comme si nous étions en guerre » donnant des accents guerriers

et communautaires au scrutin.

-Djenè Kaba CONDE, première Dame de la République « je ne veux pas qu’il y ait deux

langues à Kankan, il ne doit pas y avoir deux versions ni deux drapeaux à Kankan, il n’y a

que le jaune partout en Guinée et à Kankan ».

-Amadou Damaro Camara, Président de l’Assemblée Nationale « A Bambéto, on ne doit plus

aller avec des bâtons, on doit aller avec des armes ».

III- De la lutte contre le troisième mandat présentée comme une volonté de l’Opposition et du FNDC de remettre en cause l’ordre républicain

Parlant de ce triste jour pour la démocratie guinéenne, le rapport note une « volonté de remettre en cause l’ordre républicain », en attribuant sans aucune preuve toutes les violences du jour au FNDC dans le cadre d’un complot imaginaire dont seuls les régimes communistes ont le secret.

En réalité, c’est Alpha CONDE qui a remis en cause l’ordre républicain en organisant, par la violence et la fraude, le putsch constitutionnel du 22 mars 2020, commettant ainsi un parjure et violant la Constitution qu’il avait juré par deux fois de respecter et de faire respecter. Il a profité du même scrutin pour mettre en place un Parlement illégitime.

En effet, Alpha Condé, après avoir difficilement accepté d’éliminer les 2.500.000 électeurs fictifs dont la présence dans le Fichier avait été dénoncée, d’abord par l’Opposition politique, et ensuite par l’OIF et la CEDEAO, avait, dans un discours qui fut diffusé le 18 février 2020 à la RTG, décidé d’exclure l’Opposition de ces législatives.

Parlant du double scrutin du 22 mars, c’est totalement absurde et insensé de parler d’élection puisqu’il n’y en pas eu mais plutôt une volonté du peuple de Guinée de s’opposer au tripatouillage constitutionnel et à des législatives dont toute l’Opposition significative était exclue.

La répression sanglante qui a accompagné ce double scrutin, a été constatée et dénoncée par plusieurs Organisations de défense des droits de l’homme qui ont publié des rapports accablants contre le gouvernement. Plusieurs chancelleries et gouvernements étrangers ont également déploré ces violences et ont appelé les autorités guinéennes à diligenter des enquêtes pour identifier et punir leurs auteurs conformément à la loi.

Dans un rapport publié en octobre 2020 parlant des violences à Conakry, Amnesty International note : « 12 personnes ont été tuées dont neuf par balles pour les seules journées des 21 et 22 mars (à Conakry). Parmi ces victimes, sept ont été touchées à la poitrine, au dos, à la tête et au cou, et deux l’ont été après avoir été heurtés par des véhicules des forces de sécurité. Les témoignages et les documents recueillis par l’organisation démontrent la responsabilité des forces de défense et de sécurité, et des groupes de contre-manifestants associés à ces dernières. L’utilisation de véhicules comme armes et le caractère intentionnel de ces chocs ne peuvent être écartés ».

Bien entendu, tous ces appels ayant pour objet de garantir la justice pour les victimes seront ignorés par le gouvernement qui continuera à assurer l’impunité aux forces de défense et de sécurité qui seront ainsi encouragés à commettre des exactions contre les militants et responsables de l’UFDG et du FNDC.

Dans sa volonté de faire disparaitre les preuves des crimes, les autorités feront enterrer nuitamment en pleine forêt dans des fosses communes des dizaines de victimes à Nzérékoré.

Bien entendu, le rapport du gouvernement ne fera pas état de ces crimes impunis et il s’en prendra même aux ONG, aux gouvernements étrangers et aux Organisations internationales qui les ont dénoncés en accusant ces derniers de manquer d’indépendance et d’objectivité et d’être à la solde de l’Opposition politique et du FNDC.

IV- Des accusations farfelues portées contre le Président de l’UFDG

Traitant du scrutin présidentiel du 18 octobre, le rapport indique :« L’intention de Cellou Dalein DIALLO était de se réfugier dans une ambassade juste après le scrutin et lancer des mercenaires armés de PMAK et de grenades, assassiner des responsables politiques, des militaires, des gendarmes et des notabilités connues, notamment le Kountigui El Hadj Sékouna SOUMAH. Tout ceci devrait se faire avec la complicité de certaines personnes de l’étranger ».

« Grâce à la vigilance des services de sécurité et à la participation de la population, il a été possible de mettre la main sur plusieurs mercenaires et des armes (PMAK, grenades, lance roquettes, flèches, machettes, et autres armes). Ces mercenaires arrêtés sont aujourd’hui à la disposition de la justice ».

« Plus le mensonge est gros, plus les Guinéens y croient », disait Alpha Condé. C’est sans doute cette affirmation qui a inspiré les auteurs du rapport pour inventer ces mensonges à la fois grotesques et ignominieux qui mettent en évidence la légèreté et le cynisme de ceux qui nous dirigent.

D’abord, le Président Cellou Dalein Diallo ne s’est jamais réfugié dans une Ambassade et n’a

jamais eu l’intention de le faire. Certainement, les auteurs de ce rapport, en attribuant au Président de l’UFDG cette intention, se sont rappelé que Alpha Condé, en tant qu’opposant, s’était réfugié à l’Ambassade du Sénégal en 1991.

Plus grave, dans le texte, on prête à Cellou Dalein Diallo le projet de « lancer des mercenaires armés de PMAK et de grenades, assassiner des responsables politiques, des militaires, des gendarmes et des notabilités connues, notamment le Kountigui El Hadj Sékouna SOUMAH » :

Mais quelles absurdités ! où sont ces mercenaires, ces PMAK et ces grenades ? Ces accusations grotesques et fallacieuses sont sorties de l’imagination de la police politique de Alpha Condé. Comment peut-on imaginer un seul instant que Cellou Dalein Diallo puisse nourrir l’intention d’assassiner le Khountigui de la Basse Guinée, El Hadj Sékhouna Soumah, avec lequel il entretient au vu et au su de tout le monde une longue et solide relation d’amitié ? Quels responsables politiques, quels militaires, quels gendarmes Cellou Dalein Diallo aurait-il l’intention d’assassiner et à quelles fins ?

 

Mais comme le rapport indique que grâce à la vigilance des services de sécurité et à la participation de la population, il aurait été possible de mettre la main sur les mercenaires, les PMAK, les grenades, les lance-roquettes et d’autres armes, qui seraient aujourd’hui à la disposition de la justice, on espère qu’ils pourront fournir les preuves de l’existence d’un lien entre Cellou Dalein Diallo, les mercenaires et les armes qu’ils prétendent détenir.

Alpha Condé, opposant, a soutenu publiquement : « Les guerres on les fait pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de démocratie. Lorsque vous êtes un opposant, que vous luttez pour la démocratie, qu’à chaque élection, le pouvoir en place fraude et se maintient, à la fin qu’est que vous faites ? Vous recourez aux armes ».

Alpha Condé reconnait implicitement, à travers cette déclaration, son implication dans les tentatives d’assassinats, les complots et les rébellions fomentés pour renverser le pouvoir qu’il combattait.

En effet, il a toujours été cité comme commanditaire dans la tentative d’assassinat du Général Lansana Conté en décembre 2004 à Enco 5 et dans les attaques rebelles de septembre 2000 contre la République de Guinée à partir du Libéria et de la Sierra Leone.

C’est sans doute parce que lui il avait fait le choix de recourir à la force et l’avait publiquement justifié qu’il pense que ses opposants, face aux mêmes difficultés, font recours aux mêmes pratiques que lui. Alors, qu’il se détrompe. Le Président Cellou Dalein Diallo est un homme politique qui a toujours cherché à conquérir le pouvoir par les urnes. Il a participé à toutes les élections présidentielles et dans le cadre des campagnes électorales en 2010 et en 2015, il s’est rendu dans les 33 préfectures du pays et dans la quasi-totalité des sous-préfectures pour solliciter les suffrages de ses compatriotes. En 2020, après sa tournée triomphale en Forêt,

Alpha Condé a décidé d’empêcher son arrivée en Haute Guinée où la jeunesse de cette région, déçue par le bilan désastreux de ses 10 ans de pouvoir et par les promesses non tenues, s’était massivement mobilisée pour l’accueillir.

Ce complot que l’on veut attribuer à tout prix à Cellou Dalein Diallo n’est qu’un montage grotesque qui vise à éliminer un adversaire indomptable et incorruptible, en l’occurrence l’UFDG, dont la capacité d’organisation et de mobilisation, le poids électoral et la résilience, troublent le sommeil de Alpha Condé et les candidats à sa succession.

Plus loin, dans ce document truffé de contre-vérités, on lit : « Alors que toutes ses Fédérations et ses soutiens lui demandent de ne pas se présenter pour ne pas cautionner la nouvelle Constitution et la probable victoire d’Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo décide finalement de participer au scrutin du 18 octobre. Il rejoint ainsi les treize partis politiques qui ont accepté d’aller à l’élection présidentielle. Dès lors, la démarche de l’UFDG est mise à nue : participer au processus électoral pour pouvoir le contester de l’intérieur et disposer d’un prétexte pour se proclamer vainqueur et justifier une insurrection et/ou un coup d’état ».

C’est une contre-vérité flagrante que d’écrire que les Fédérations de l’UFDG étaient contre la participation du Parti à cette élection. Ce sont plutôt ces Fédérations, interrogées par la Direction Nationale du Parti, qui ont fortement recommandé d’éviter la politique de la chaise vide et d’engager l’UFDG dans la compétition. En effet, sur 105 Fédérations que compte l’UFDG, 92, soit 88%, avaient exigé la participation du Parti et s’étaient même engagées à contribuer fortement au financement de la campagne. Ces statistiques avaient été rendues publiques avant même la déclaration de candidature du Président du Parti.

Dans cette élection, l’UFDG n’a nullement cherché un prétexte pour contester mais s’est organisée pour gagner l’élection. D’abord, le Parti a constitué avec une quarantaine de partis et d’associations une solide alliance électorale dénommée ANAD. Ensuite, avec l’appui des partis alliés, l’UFDG a mené une campagne exemplaire. Les Guinéens se souviennent encore de l’accueil triomphal réservé au candidat de l’ANAD à Faranah, Kissidougou, Gueckédou, Macenta, Nzérékoré, Youmou, Djécké, Lola, Mamou, Kindia, Coyah. La mobilisation du Grand Conakry, le vendredi 16 octobre 2020, à l’occasion du retour du candidat de l’ANAD dans la capitale, a été d’une ampleur sans précédent. Pour beaucoup d’observateurs, au regard de cette mobilisation massive constatée à l’intérieur du pays, comme à Conakry, la victoire de Cellou Dalein Diallo était inéluctable.

Il convient de rappeler que le Parti avait déployé dans chaque BV deux délégués équipés d’une tablette, et dans chaque préfecture, deux assistants techniques pour la formation et un ancien député pour superviser les opérations électorales.

Grâce à un système moderne de transmission électronique de données, le QG du Parti a pu récupérer et compiler les résultats de la quasi-totalité des bureaux de vote. Cette opération a permis de mettre en évidence très tôt le lundi 19 octobre la victoire du candidat de l’ANAD avec un score de 53,84%.

V- Des accusations gratuites portées contre les Organisations de défense des droits de l’homme et certains partenaires bi ou multilatéraux

Dans le rapport, on lit également « Il est regrettable de constater de la part des organisations de défense des droits de l’homme et de certaines représentations diplomatiques une vision figée et une approche unidimensionnelle de la protection des droits de l’homme et des peuples » : Le gouvernement Guinéen est confondu par les nombreuses preuves matérielles fournies parles Organisations de défense des droits de l’homme pour éclairer l’opinion publique internationale sur les violations graves et récurrentes des droits de l’homme en Guinée.

Faut-il rappeler que la répression des manifestations organisées contre le changement de Constitution a fait au total 99 morts dont une trentaine a été enterrée nuitamment dans des fosses communes en pleine forêt à Nzérékoré à l’effet de faire disparaitre les preuves.

Les violences policières déclenchées au lendemain du scrutin présidentiel du 18 octobre ont fait quant à elles 47 morts et des dizaines de blessés par balles dans les rangs de l’UFDG et ses alliés.

Que dire des nombreuses incursions des forces de l’ordre dans les domiciles des citoyens où des femmes ont été agressées physiquement et verbalement ? Les forces de sécurité entraient en effet, sans aucun mandat judiciaire, dans les maisons des citoyens, volaient tout ce qui a de la valeur et détruisaient tout ce qu’ils ne voulaient ou ne pouvaient pas emporter. Ils incendiaient, sans raison, les commerces appartenant aux citoyens considérés à tort ou à raison comme hostiles au pouvoir.

Le gouvernement s’emploie à nier dans ce rapport toutes ces exactions commises par les forces de défense et de sécurité et lorsqu’il ne peut pas les nier, il tente de dégager la responsabilité des bourreaux et d’incriminer les victimes.

Heureusement qu’en cette ère du numérique et des nouvelles technologies, des preuves factuelles de toutes les exactions existent bel et bien. D’ailleurs, des récits de témoins, des images satellites et des vidéos authentifiées et analysées par Amnesty International confirment que les forces de défense et de sécurité guinéennes ont tiré à balles réelles sur des protestataires après l’élection présidentielle du 18 octobre.

Plutôt que de fuir constamment ses responsabilités, d’attribuer les violences à l’Opposition qu’il accuse de tuer ses propres partisans, ou de se déchainer contre les journalistes, les activistes de la société civile et les Organisations de défense des droits de l’homme, l’État guinéen gagnerait à déployer la même énergie au service d’enquêtes indépendantes visant à identifier et poursuivre les auteurs des meurtres commis lors des manifestations de l’Opposition.

VI- Du rétablissement de l’ordre et de la sécurité publics mis en avant pour justifier les violations massives des droits de l’homme et les décisions liberticides du gouvernement

Dans ce chapitre, on lit : « Les mesures prises par les autorités en charge de la sécurité et de la justice à la suite des violences liées au référendum constitutionnel, aux élections législatives et l’élection présidentielle de 2020 sont adoptées pour des raisons de sécurité intérieure et dans le strict respect des lois de la République. Comme tout gouvernement, le gouvernement guinéen à l’obligation de faire face à toute menace de déstabilisation de la Guinée » :

Déjà en 2018, le Premier Ministre, Kassory Fofana affirmait qu’il préférait l’ordre à la loi. Pour joindre l’acte à la parole, le Gouvernement de Kassory interdit les manifestations, déploya les Postes Armées (PA) le long de l’Axe Hamdallaye-Kagbelen et déclencha une répression sanglante contre l’Opposition politique et le FNDC opposés au troisième mandat. Ces décisions liberticides n’avaient pas pour objectif de restaurer l’ordre qui n’était point menacé mais d’imposer par la force le changement de Constitution permettant à Alpha Condé de s’octroyer une présidence à vie.

Pour ce faire, les autorités refusaient systématiquement les manifestations pacifiques contre le troisième mandat bien que celles-ci soient autorisées par l’article 10 de la Constitution en vigueur. Même lorsqu’elles étaient autorisées, elles étaient très souvent réprimées et servaient de prétexte aux forces de défense et de sécurité pour commettre des exactions dans les quartiers réputés être les fiefs de l’Opposition.

Dans un rapport publié en novembre 2019, l’association Amnesty International faisait un constat très accablant de la situation du droit de manifester dans le pays :

« Le nombre de rassemblements qui ont été interdits de façon arbitraire s’est accru ces derniers mois, surtout lorsqu’ils sont à l’initiative de groupes d’opposition, de mouvements pro démocratie et d’organisations de défense des droits humains. Les motifs évoqués pour justifier les interdictions sont vagues, invoquant par exemple le fait de “protéger la paix et la tranquillité sociales”, “les conditions de sécurité”, ou de “possibles préjudices”.

Selon le rapport du gouvernement : « Depuis 2011, le gouvernement de la République de Guinée a largement fait preuve de son engagement à respecter les libertés fondamentales des citoyens de manière générale et, dans le cas d’espèce, vis-à-vis des militants de l’opposition »Rien de plus faux. En effet, depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir en 2010, les manifestations pacifiques de l’Opposition, des syndicats, et récemment du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), ont été systématiquement réprimées dans le sang. Cette répression a causé la mort de plus de 250 citoyens, des centaines de blessés par balles, des centaines d’arrestations et de condamnations arbitraires.

Au lendemain du double scrutin du 22 mars 2020, une répression sauvage à Nzérékoré a fait plus de 50 morts. Ces derniers ont tous été enterrés nuitamment dans des fosses communes par le Pouvoir d’Alpha Condé. Ces massacres de Nzérékoré rappellent ceux perpétrés par son gouvernement à Womey, Zogota et Galapaye.

Le lundi 4 Novembre 2019, le FNDC a appelé à une marche funèbre afin d’accompagner les victimes de la répression sanglante des manifestations des 14, 15 et 16 octobre à leur dernière demeure.

Contre toute attente, les agents des forces de l’ordre et de sécurité se sont permis d’ouvrir le feu sur le cortège funèbre entrainant la mort de trois personnes et plusieurs blessés par balles.

Comble du cynisme, ces agents ont dispersé les fidèles musulmans lors de la prière funéraire et de l’inhumation des victimes en pulvérisant de gaz lacrymogène la mosquée et même le cimetière.

Ces actes cruels et inhumains ne pouvant être assumés par leurs auteurs, les responsables de la Police ont, comble du ridicule, attribué au vent l’arrivée du gaz lacrymogène dans les mosquées et dans le cimetière.

Dans le même rapport, le gouvernement se permet d’affirmer : « Il est totalement fallacieux de prétendre que l’impunité règne en Guinée ».

Une telle affirmation contraste nettement avec la réalité tant le déni de justice observé ces dernières années en Guinée est scandaleux aussi bien en ce qui concerne le traitement du contentieux électoral que la protection des droits et libertés des citoyens. Les exactions contre les opposants d’Alpha Condé n’ont jamais été sanctionnées. Les auteurs des crimes ont toujours bénéficié d’une impunité totale et ont parfois bénéficié de promotions lorsqu’ils ont fait preuve de zèle dans la répression des opposants. Récemment, le gouvernement est passé aux aveux sans s’en rendre compte en soutenant publiquement que si les enquêtes n’ont pas eu lieu, c’est parce les parents des victimes, intimidés par l’Opposition, n’auraient pas voulu collaborer.

En réalité, depuis l’avènement de Alpha Condé au pouvoir, tous les meurtres, exactions et destructions de biens par les forces de défense et de sécurité n’ont donné lieu à aucune enquête et à aucune sanction, même administrative, des responsables des forces de défense et de sécurité.

On se souvient que dans l’affaire Zogota, ce district de Nzérékoré, où les forces de l’ordre ont tué nuitamment 6 villageois, la Présidence avait promis que les coupables seraient « punis ».

Une enquête avait certes été ouverte contre six hauts responsables des forces de défense visés, mais les proches des victimes continuent d’attendre la justice de notre pays. C’est seulement après la saisine de la Cour de justice de la CEDEAO que celle-ci, dans son arrêt du 10 novembre 2020, a condamné la Guinée et l’a déclarée coupable de violation du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à la torture et du droit à un recours effectif notamment.

A ce propos, Maître Foromo Frédéric Loua, avocat des victimes, s’est exprimé en ces termes : « La justice guinéenne est forte quand elle peut s’attaquer aux plus faibles, c’est-à-dire aux citoyens, mais elle est faible, voire inexistante, lorsque ce sont des forces de défense et de sécurité qui commettent de graves violations des droits de l’homme et nous sommes à chaque fois obligés de nous adresser aux juridictions internationales, pour que justice soit faite ».

Toutes les recommandations et propositions émanant de l’Opposition politique, desOrganisations de défense des droits de l’homme, de la société civile, des institutions internationales demandant la mise en place de commissions d’enquête pour élucider les crimes commis, notamment lors des manifestations pacifiques, sont restées sans suite.

Conclusion

Le rapport du gouvernement et les allégations qu’il porte ne méritent aucune considération.

Publiés après l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, ils devaient servir de bréviaire pour la propagande du troisième mandat et de justificatif pour les violences qui l’ont accompagné. Mais même les plus zélés des affidés se sont abstenus de se référer à leurs affabulations pour se garder du ridicule. Dans la population, le rapport n’a ainsi eu aucun écho et cet amas de contrevérités s’est retrouvé à sa place, celle des oubliettes.

Cependant, l’UFDG, soucieuse de son image, a tenu à rétablir les faits. Les violences de 2019 et 2020 sont le prolongement de celles qui se sont exercées sur la population depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir. Elles s’ordonnent toutes autour des élections et sont bien le fait de son gouvernement comme l’ont attesté, avec des preuves avérées, les organismes qui ont vocation à veiller sur le respect des droits humains dans le monde.

Il faut toujours avoir à l’esprit l’origine du régime d’Alpha Condé pour expliquer les violences qui lui sont consubstantielles. Né d’une effraction électorale, il n’a jamais été guéri de son mal de légitimité. Pour conserver le pouvoir, il fait usage de la force et son autoritarisme est basé sur une alliance civilo-militaire avec une politisation des forces armées.

Ce pouvoir, né de la délinquance électorale et de l’usage abusif de la force, est entretenu, par la corruption et le clientélisme d’une part, et, d’autre part, par la faiblesse des institutions découlant de leur soumission totale à l’Exécutif.

L’UFDG et les forces vives du pays, qui sont, comme elle, préoccupées du futur de la Guinée, continueront de s’opposer à cette déliquescence. Seul le chemin de la résistance contre les violences autocratiques d’Alpha Condé peut conduire les guinéens à la réconciliation, à la démocratie et à l’État de droit.

ANALYSE PAR L’UFDG DU RAPPORT SUR « LES VIOLENCES POLITIQUES EN GUINEE ET LES ENQUETES JUDICIAIRES EN COURS » PUBLIE PAR LE MATD ET LE MSPC