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Déclaration du Procureur de la CPI, à propos de l’ouverture du procès 28 septembre 2009 et de la signature d’un protocole d’Accord

Je viens tout juste de terminer ma visite en Guinée. À cette occasion, j’ai participé à une journée importante, une journée qui illustre le bon fonctionnement de la complémentarité. Treize ans, jour pour jour, après les événements qui se sont déroulés au stade national de Conakry le 28 septembre 2009, un procès s’est ouvert en application du droit guinéen à l’encontre de 11 personnes accusées d’avoir commis les crimes qui leur sont reprochés. Les événements survenus au stade de Conakry ont marqué une journée sombre dans l’histoire de la Guinée : 156 à 200 personnes auraient été tuées ou portées disparues et 109 femmes auraient été victimes de viol ou de violences sexuelles.

Les victimes et les survivants ont certes attendu ce jour depuis très longtemps, mais c’est bel et bien leur foi tenace en leur droit à la justice qui nous a conduit à ce jour important. Au palais de justice, j’ai salué leur courage et leur détermination à ce que les responsabilités de chacun soient établies. Il incombe désormais aux autorités et aux institutions guinéennes de veiller à ce qu’un processus équitable, crédible, indépendant et impartial soit mené pour que toute la vérité soit faite conformément à la législation.

Ma visite à Conakry est le fruit d’un dialogue approfondi instauré entre mon Bureau et les autorités guinéennes. Il s’agit de la vingt et unième visite du Bureau en Guinée dans le cadre de l’examen préliminaire amorcé en 2009.

Depuis que j’ai pris mes fonctions de Procureur, mon Bureau a renforcé sa coopération avec les autorités guinéennes, et tout dernièrement notamment, le Procureur adjoint Mame Mandiaye Niang a effectué une visite de haut niveau lors de laquelle il a été amené à rencontrer le Président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya, ainsi que des hauts responsables guinéens, des représentants d’organisations de la société civile et des membres d’associations de victimes. Il a en outre fait part de ses conseils aux parties concernées par les derniers préparatifs en amont du procès, leur a adressé ses meilleurs vœux de réussite et les a assurées de son soutien.

Après avoir assisté à l’ouverture du procès, je me suis réjoui de la signature d’unMémorandum d’accordavec le Président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya. C’est un bel exemple de la mise en œuvre du principe de complémentarité qui contribuera au renforcement de notre coopération future en matière de justice.

Par ce Mémorandum juridiquement contraignant, la République de Guinée s’engage à veiller à ce que les responsabilités relatives aux crimes commis dans le contexte des événements survenus le 28 septembre 2009 soient établies et à consolider sa collaboration avec mon Bureau.

En particulier, conformément à l’accord signé, la République de Guinée s’engage à soutenir le procès en respectant notamment les principes suivants : 1) veiller, en collaboration avec ses partenaires internationaux, à la formation des juges, des procureurs, des greffiers et des avocats ; 2) mener, en collaboration avec ses partenaires internationaux, des actions de communication et d’information afin d’informer objectivement le public quant à l’avancement des procédures judiciaires ; 3) s’abstenir de toute ingérence dans l’administration de la justice ; 4) assurer la sécurité et la sûreté du personnel judiciaire et du personnel affecté aux poursuites ainsi que des personnes comparaissant devant les juges, notamment les victimes et les témoins ; 5) apporter, en collaboration avec ses partenaires internationaux, un soutien et une assistance aux victimes et aux témoins participant au procès ; 6) encourager la coopération et la coordination sans réserve des diverses entités étatiques et des partenaires internationaux, le cas échéant, notamment au sein du Comité de pilotage spécial créé par la Guinée ; et 7) allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre des mesures susmentionnées.

Mon Bureau s’engage, quant à lui, à continuer de soutenir les efforts déployés par la Guinée pour établir les responsabilités, en prenant notamment part à des projets et des programmes visant à partager les connaissances, échanger les meilleures pratiques et apporter un soutien technique. Des réunions seront organisées régulièrement entre les parties pour faire part des progrès accomplis dans le cadre des procédures engagées.

Les efforts collectifs concrètement déployés pour veiller à ce que justice soit rendue aux familles des victimes à l’échelon national sont conformes à ma conception de la complémentarité, à savoir que nous créons ensemble un environnement propice à un dialogue constructif et à la coopération afin de permettre aux autorités nationales d’assumer une plus grande responsabilité vis à vis des crimes visés par le Statut de Rome.

Ainsi, le procès qui s’est ouvert revêt non seulement une importance pour la Guinée, qui voit la justice se rapprocher au plus près des personnes ayant survécu aux crimes en cause, mais aussi pour l’ensemble des États parties au Statut de Rome et toute la communauté internationale. À ce titre, mon Bureau continuera à apporter un soutien inébranlable au système judicaire national.

Comme je l’ai déjà indiqué, l’évaluation de la complémentarité ne doit pas, et ne peut pas, être reportée indéfiniment en attendant l’achèvement de toutes les procédures nationales possibles. Bien au contraire. Le Statut et la jurisprudence de la Cour sont très clairs à cet égard : l’évaluation de la recevabilité doit être effectuée sur la base des faits tels qu’ils existent.

Avec l’ouverture d’un tel procès et la signature du Mémorandum d’accord, les autorités guinéennes ont démontré qu’elles avaient réellement la volonté et la capacité de prendre des mesures significatives par rapport aux événements survenus au stade de Conakry.

Lorsque les autorités nationales prennent de véritables mesures, il est de ma responsabilité de refléter les progrès accomplis dans mon évaluation de la situation. Comme je l’ai déclaré à plusieurs reprises, si les États s’engagent concrètement à remplir leurs obligations internationales, je me retirerai. Ainsi, je suis parvenu à la conclusion que les autorités nationales guinéennes ne sont ni inactives, ni réticentes, ni incapables de mener véritablement à bien des enquêtes et des poursuites en ce qui concerne les crimes qui auraient été commis au stade de Conakry. En conséquence, j’ai décidé de clore l’examen préliminaire de la situation en Guinée.

Il est toutefois impératif de souligner que le processus ne s’achève pas pour autant avec l’ouverture du procès et la clôture de l’examen préliminaire par mon Bureau. C’est donc une nouvelle étape du travail collectif qui commence. Mon Bureau continuera à suivre attentivement la procédure engagée et à dialoguer avec les autorités guinéennes pour s’assurer qu’elles s’acquittent de leurs responsabilités en vertu du Statut de Rome.

Pour ceux qui doutent de l’efficacité du nouveau processus qui a été lancé, je tiens à souligner que le Mémorandum d’accord que j’ai conclu exige un engagement constant et le partage d’informations par les autorités guinéennes avec mon Bureau. Si nous discernons une quelconque tentative de protéger les accusés ou si nous estimons que le processus n’est pas conforme aux obligations du Statut de Rome, je n’hésiterai pas à en informer les autorités guinéennes, à rouvrir l’examen préliminaire et à passer, si nécessaire, à une enquête complète.

Néanmoins, je félicite aujourd’hui la République de Guinée et les autorités nationales compétentes d’avoir pris la mesure courageuse – et nécessaire – d’ouvrir le procès relatif aux événements du 28 septembre 2009. Mon Bureau jouera son rôle dans la suite de la procédure afin de veiller à ce que ce procès réponde aux attentes légitimes de justice des victimes et des survivants.

Le Bureau publiera un rapport sur la situation en Guinée en temps opportun.

 

Source: Bureau du Procureur

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