Ce qui se ressemble s’assemble, dit l’adage. Les fossoyeurs des constitutions et des lois organiques ne pouvaient que se retrouver. Malgré les dissensions apparentes, les coups de gueules au bout des lèvres, il y a des relations si fortes, si profondément ancrées que les querelles ne peuvent être que passagères, exactement comme dans les relations de couples, où c’est encore plus doux après un escalier.
Dans les années 2000, au moment où Conté montrait déjà des signes de fatigue et son mandat arrivait à terme, on nous a chanté que d’excellents travaux (qui n’étaient visibles nulle part), qu’il fallait achever étaient en cours de réalisation. Personne n’était à mesure de poursuivre les travaux, excepté le chef.
Il fallait alors trouver une raison, une astuce ou un stratagème pour violer la constitution et donner 7 ans de plus à un homme qui n’avait besoin que de repos. Comme si après il n’y en aurait plus à faire, sauf savourer les fruits des travaux achevés ! Une nouvelle constitution fut taillée sur mesure et le général rempila contre la volonté de la majorité écrasante des guinéens.
De passage dans un bureau de vote lors du semblant de referendum de cette année, un homme en chéchia était assis à la rentrée et instruisait aux votants en ces mots : ‘’Vous prenez le papier blanc, vous le mettez dans l’enveloppe et vous placez dans l’urne’’ en langue du terroir.
Aussitôt, la sérénité jusqu’alors perceptible dans le pays laissa place à la fébrilité. Le vieux président plus soucieux de sa santé que des affaires du bled devait céder l’essentiel du pouvoir à ceux qui étaient là. Le contrôle lui échappa pour tomber dans les mains de clans mafieux qui luttaient loin des préoccupations de la population. Comme dans un western, on assistait alors aux faits les plus insolites au sommet d’un Etat.
Il était difficile de savoir qui gouvernait réellement. Alors le vide a laissé la place à toutes formes mafias, de gabegie financière, de détournements, de corruption, de traffic de drogue etc. la dégringolade commença en 2006 par des décrets et des contre décrets qui ont eu raison de certains des barons du régime. Le point culminant fut atteint en Janvier 2007, lorsque le général sortit un des ‘’Présidents de l’ombre’’ de taule, après des accusations de détournements de deniers publics. La suite est connue de tous.
Dès 2018, les guinéens et les observateurs avertis ont soupçonné le Mandela de la Guinée de velléités révisionnistes. Les journalistes qui avaient osé aborder la question étaient pris à parti. Les mises en garde de Kelefa Sall, alors président de la Cour constitutionnelle se servirent pas de leçons aux parangons de la démocratie et de l’Etat de droit.
Les exhortations, les négociations, les mises en garde et menaces n’ont servi à rien. Le pouvoir est doux. Il est addictif. Une fois qu’on a gouté il devient difficile de s’en passer, surtout sous nos tropiques. Les grands chantiers ne devaient pas s’arrêter. Une fois encore, tenez–vous bien, les mêmes thuriféraires de Conté sont devenus les inconditionnels de Condé. Ils ont de nouveau réfléchi et se sont rendu compte qu’il fallait trouver un alibi, une astuce, un subterfuge pour violenter le peuple et lui confisquer encore sa souveraineté.
Malgré les sacrifices consentis et le lourd tribut payé par le peuple martyr de Guinée, la constitution fut de nouveau violée par les mêmes donneurs de leçons de démocratie, de bonne gouvernance et de droits humains. Pendant qu’ils étaient là essoufflés, épuisés par cette brutalité qu’ils ont infligé aux vrais démocrates et aux guinéens en général, le Colonel Doumbouya, comme dans le récit des deux voleurs et l’âne surgi et mit fin au statu quo.
Entre les deux scénarios combien identiques, ces deux péchés majeurs contre la Guinée, Dieu seul sait que des innocents ont souffert. De nombreux jeunes ont été fauchés à la fleur de l’âge pour une lutte qui vraisemblablement n’était pas la leur. Certains ont perdu tous leurs biens, d’autres blessés et immobilisés à vie ; d’autres encore forcés à s’exiler pour avoir la vie sauve.
On nous dira qu’on ne peut changer les choses qu’une fois au pouvoir mais son odeur fait oublier les atrocités et les humiliations les plus insupportables. Les relations sont rétablies entre les ennemis de façade. Ressemblance et intérêts communs obligent. Les victimes ‘’collatérales’’ ne sont que des sacrifices consentis pour la satisfaction des boulimies et pour des fins inavouées. Si par malheur ils revenaient au pouvoir, ils n’hésiteront pas, une fois de plus, à demander aux blancs de laisser tomber ça.
Boubacar DIENG