L’Afrique et ses institutions : à chacun son mal( Par Ben Condé)

A l’instar des autres blocs sous-régionaux et régionaux, l’Afrique s’est aussi dotée des grands ensembles comme instances faitières pour son développement économique et son unité politique avec pour objectif in fine, la mise en place des Etats unis d’Afrique.
Visionnaires convaincus et patriotes dans l’âme, les pères de l’indépendance politique de l’Afrique de l’Ouest en avance sur leur époque, ont cru au destin commun de l’unité africaine comme socle de l’émancipation des peuples africains affranchis de joug colonial.
Ainsi, pour matérialiser cette vision stratégique, les devanciers lucides comme Ahmed Sékou Touré, Kwame Nkrumah, William Tubman, Diori Amani, Léopold Sédar Senghor, Houphouët Boigny, Roi Hassane II etc., ont en dépit de leur divergence de vue, convenu de la création le 25 mai 1963 à Addis Abeba, de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) devenue en juillet 2002 lors d’un sommet en Afrique du Sud, l’Union africaine (l’UA). L’objectif était selon la décision des Chefs d’Etat en septembre 1999, de consolider les acquis de l’OUA. Initialement, cette organisation continentale a pour objectif : « la défense de la souveraineté, l’intégrité politique et socioéconomiques du continent, de promouvoir et de défendre des positions africaines communes sur les intérêts pour le continent et ses peuples ».
A l’effet de consolider et d’accélérer l’atteinte des objectifs de l’Union africaine, les Chefs d’Etat inspirés de l’Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE), ont décidé de créer le 28 mai 1975, l’Organisation économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Cette organisation sous – régionale a, initiatialement pour objectif : « la promotion de la coopération économique et politique entre les Etats. »

En plus de cet objectif globalement ambitieux, ce bloc sous – régional avait pour vision : « promouvoir la communauté des peuples pleinement intégrée dans une région paisible, prospère avec des institutions fortes et respectueuses des libertés fondamentales et œuvrant pour le développement inclusif et durable. »
Au regard de ces objectifs et ces visions assignés à ces deux institutions, des observateurs et citoyens de cet espace du globe terrestre sont en droit d’espérer une transformation qualitative de leurs conditions de vie et de travail avec à la clé, la liberté de mouvement intracommunautaire. Cependant, 57 ans après la création de l’OUA devenue UA et 47 ans après la création de la CEDEAO, les peuples africains en général et ceux de la CEDEAO en particulier s’interrogent légitimement de savoir, quel est le rôle que jouent ces deux institutions ?
A scruter les actions de ces institutions faitières africaines, l’on est tenté de croire qu’elles se sont factuellement détournées de leurs objectifs au grand dam des peuples africains.
Au plan de l’intégration économique sous – régionale et la libre circulation des citoyens dans l’espace commun, le constat est triste, car aucun commerçant ne peut s’affranchir des tracasseries des Check points ou barrages de filtrage
S’agissant des dispositions du protocole additionnel de la CEDEAO relatif à la bonne gouvernance, à la démocratie et à la sécurité, il n’y a point de lisibilité dans les actions de ces deux institutions qui, à en croire certains observateurs, sont plutôt des officines des néocolonialistes.
Il est évident que la CEDEAO conformément aux dispositions des Accords de Cotonou, veuille imposer les principes desdits Accords aux pays en déficit démocratique. Cependant, elle devrait être à l’avant-garde de la défense des intérêts moraux et matériels des peuples africains aussi bien sur le continent que sur l’échiquier international. Curieusement, l’Afrique est moins audible sur la scène internationale lorsque les intérêts moraux et matériels du continent sont en jeu !
En Lybie, à titre illustratif, quand les impérialistes ont décidé d’agenouiller ce pays mécène africain, ni l’Union africaine moins encore cette CEDEAO n’ont entrepris aucune action de nature à faire fléchir ces cassandres réunis sous la bannière de l’Organisation du Traité Transatlantique du Nord (OTAN).
Depuis des lustres, des terroristes et autres groupes jihadistes sévissent çà et là à travers le continent. Et que dire des réseaux de trafic d’armes qui prolifèrent sur les théâtres des conflits endogènes sous les yeux impuissants des victimes africaines.

Aujourd’hui, fragilisés par des conflits intracommunautaires et le terrorisme, les pays africains se meuvent entre la hantise de la misère et l’insécurité ambiante qui les rendent ainsi vulnérables.
Face à cette situation existentielle, les citoyens de ces territoires africains n’ont d’alternative que de se livrer à leur corps défendant, à la vindicte populaire ou à la révolte contre l’autorité établie. Ont-ils tort ou raison ?
En tout état de cause, si la CEDEAO des Etats devenait celle des peuples et par ricochet, ôtait le manteau de syndicats des Chefs d’État corrompus au service de l’asservissement que ne cesse d’orchestrer le néocolonialisme, les richesses naturelles dont Dieu a doté le sous-sol africain devrait pouvoir sans équivoque, nourrir son homme.
C’est forts de ce constat rébarbatif que certains jeunes officiers africains au sud du Sahara ont décidé de prendre leur responsabilité en opérant une rupture de l’ordre constitutionnel pour ainsi éradiquer le phénomène de corruption endémique, le détournement de deniers publics, l’instrumentalisation de l’administrations, le clivage ethnique et leurs cortèges de terreur, sciemment entretenus par une horde d’élites qui avait pris ces pays en otage depuis la fin des années 1993. Aux yeux des acteurs de la société civile, panser ces maux qui gangrènent nos pays du sud, est aussi plus essentiel que l’organisation des élections qui ne fera d’ailleurs que favoriser le retour de ces prédateurs aux affaires. C’est cette dimension d’une profondeur abyssale que les institutions africaines et leurs partenaires du nord, occultent.
De prime abord, il faut de façon irréversible que la CEDEAO, l’UA en un mot, la communauté internationale réalise que la nouvelle génération des peuples africains revendique aujourd’hui et au prix de son sang, une gestion vertueuse de ses affaires publiques.
En revanche, les agissements des institutions africaines et ceux de leurs partenaires occidentaux reflètent une lecture contrastée des causes actuelles des coups d’Etat et des insurrections en Afrique. D’où leur marque de fabrique qui consiste à administrer une thérapie identique à tous, et en dépit des aspects contradictoires que revêt le mal de chacun des pays actuellement ciblé par des sanctions inopportunes, inappropriées et inefficaces de nos institutions. Ce qui fait dire aux connaisseurs de la sphère politique africaine, que la CEDEAO et l’UA ainsi que leurs partenaires occidentaux agissent aux antipodes de la vision et des objectifs que la jeunesse africaine entend conférer à la gestion de leurs pays respectifs. Au fait, ces partenaires imposent leur diktat aux peuples africains au nom des principes démocratiques sans autant porter un regard critique sur la question de probité morale des acteurs politiques qui sont appelés à présider aux destinées des populations africaines.
En Afrique de l’Ouest, il y a trois pays qui ont connu des coups d’Etat successifs avec différents motifs plausibles. Curieusement, les responsables de ces institutions sous – régionales et régionales semblent manquer de discernement aux fins de questionner la légitimité des régimes qui ont été déposés par des jeunes officiers applaudis et soutenus par leurs camarades civils d’âge.

Le moins qu’un partenaire sérieux pourrait en effet, avoir comme réflexe à l’égard de la situation actuelle des pays africains, c’est de chercher de savoir, pour quoi à chaque avènement de coup d’Etat, c’est une liesse populaire et majoritairement de la couche juvénile ?
En guise de réponse, les institutions africaines se doivent de procéder à un diagnostic objectif sur les aspirations profondes des citoyens africains et ainsi, procéder à une théorie d’avantage comparatif. Pour quoi le coups d’Etat ? pour quoi les jeunes préfèrent-ils aller périr en méditerranée ? pour quoi, toujours le djihadisme et des insurrections récurrents en Afrique ?
En trouvant un début de réponses à ces interrogations, la CEDEAO, l’UA et leurs partenaires occidentaux sauront trouver une offre globale au continent et une thérapie spécifique au mal de chaque pays africain. Mais, ce serait totalement stérile d’administrer un remède caduc identique à un ensemble des maux au nom des principes eux-mêmes anachroniques !
En dépit des cris de cœur des peuples africains, notamment ceux de l’ouest, cette CEDEAO sans état d’âme, continue de brandir le bâton de menace telle une épée de Damoclès sur la tête des dirigeants militaires qui ont décidé de leur propre chef, de rompre le système des establishments en Afrique de l’Ouest. Toutefois, en ce qui concerne le cas guinéen, à en croire les récents sondages, la donne reste largement favorable aux chantiers ouverts par le CNRD, à savoir, la refondation de l’Etat plutôt qu’au retour immédiat à l’ordre constitutionnel pour passer le fanion à un probable prévaricateur. Et d’ailleurs, à ce stade, peut-on oser passer le témoin à un de ces leaders de la classe gérontocratique aux pratiques socialement et économiquement, onéreuses ?

A la jeunesse guinéenne d’ouvrir les yeux et faire une introspection objective sur un seule matière : « progresser avec une nouvelle classe de dirigeants dont nous-mêmes ou régresser, car il faut à tout prix la vieille classe qui a montré toutes ses limites ?
Il sera plausible dans l’un ou l’autre cas, que les deux grandes formations politiques qui, depuis plus d’une décennie tirent le pays vers le bas, proposent une nouvelle marchandise pour la gestion et la transformation qualitative de nos affaires publiques. En attendant, laissons les coudées franches au CNRD pour achéver le menage dans les méandres de nos eaux troubles.
A la CEDEAO, si le CNRD, au terme de larges consultations de nos compatriotes, sommet un chronogramme de 39 mois ce samedi, 30 avril 2022, examiner cette proposition avec minutie et clairvoyance.
Evidemment, en sachant que la thérapie proposé au Burkina ne saurait se révéler efficace pour la Guinée .
au nom d’une injonction de la CEDEAO ? A chacun son mal. Comme pour dire, pensée globale, mais action locale. Que nos institutions revoient alors leurs copies au risque de se voir déjugées et dévoyées par ceux au nom desquels, elles agissent !

Abdel Ben Condé