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Les limites de la communication publique en Guinée : une crise de professionnalisme ? (Par Lucien Blémou)

La vie publique est régie par des droits et des devoirs. Pour le bon fonctionnement d’un État, les personnalités publiques (président, ministres, maires, députés…) se doivent d’être impliqués dans leurs communications pour chaque centime utilisé ou chaque politique d’intérêt général. De manière professionnelle, cette communication ne doit pas être qu’inaugurale ou à effets d’annonces. La communication publique va bien au-delà de ces aspects. L’y limiter est très réducteur voire amateur.

Qu’est-ce que la communication publique ?

C’est l’ensemble des actions de communication émises par des institutions qui exercent une mission de service public. Cette communication s’effectue dans les administrations, les collectivités territoriales et les organismes publics pour l’intérêt général. Le guinéen comme d’autres peuples a la particularité de ne pas souvent cocher la case de l’unanimité. Les spécialistes de la communication publique vont donc devoir recourir à des techniques, car en plus de l’effet d’annonce et inaugural, il sera question de l’effet d’action des citoyens, amener les bénéficiaires de chaque action publique à s’en approprier et appliquer de manière douce et presque inconsciente.

Le cas guinéen :

On se souvient encore de “les Guinéens n’ont pas honte… c’est comme la tortue. Il faut mettre le feu derrière” du président de la République de Guinée Alpha Condé, “Ce sont des maudits qui font des travaux” du Docteur Awada directeur général du CHU de Ignace Deen ou encore de manière très pratique des nombreux sachets d’eau et de mégots de cigarettes qui inondent nos. Plus que des gaffes, le spécialiste de la communication publique en tire des besoins à savoir : Que faut-il pour faire adhérer la population aux initiatives gouvernementales ou locales ? Comment lutter contre l’incivisme dans les toilettes publiques ? Comment amener les populations à ne pas se débarrasser des sachets d’eau dans la rue ? Autant de questions dont les réponses peuvent envisager un début de solution.

Il est certes vrai que le pays souffre d’un manque criard d’infrastructures, mais le plus gros manque reste aussi la capacité à faire adhérer la population aux politiques publiques et à la préservation de cet infime patrimoine. Dans Kaloum par exemple qui regorge la quasi-totalité des ministères guinéens, des poubelles avaient été installées à chaque coin de rue. Cette initiative souffre d’adhésion des citoyens parce qu’on s’est contenté seulement d’installer les poubelles sans une réelle campagne de communication publique très pédagogique.

Si les toilettes publiques ne sont pas utilisées à bon escient, c’est aussi par manque de stratégie incitative et une absence d’affichage explicatif. Parlant des sachets d’eau qui polluent l’environnement, quelle stratégie pour y remédier ou réduire le taux ?

Le “nudge” comme piste de solution ?Mais qu’est-ce que c’est ?

Le nudge est un petit geste qu’on fait pour inciter quelqu’un à faire attention à ce qu’il va dire ou faire. C’est à dire agir sur le comportement des gens, pour les influencer dans un sens favorable à leur propre intérêt ou à l’intérêt général.

C’est le cas de cesescaliersà Lyon avec des phrases de motivations pour pousser la population à dépenser plus d’énergies. Ou encore àStrasbourgpour éviter que les mégots de cigarettes se retrouve dans les rues.

 

En Guinée, on pourrait essayer une poubelle avec Cristiano et Messi ou Real Madrid et Barcelone pour les fans de football ou encore Alpha Condé et Cellou Dalein pour les mordus de politique afin d’éviter que les mégots de cigarettes et sachets d’eau trainent dans les rues.

 

La pédagogie dans la communication

 

En ce qui concerne les toilettes publiques, opter pour une solution d’affichage papier et très imagée peut s’avérer utile commela mouche des urinoirs. La pédagogie dans la communication publique en plus de faire adhérer, elle sert aussi à faire changer les habitudes et les manières pour une société plus propre et qui aspire au développement. A l’heure où CAP’COM dénombre en France environ 25 000 communicants publiques, on se rend compte de la nécessité d’une réelle spécialisation dans ce domaine dans tous les pays. L’importance pour chaque institution de tenir son spécialiste en communication publique n’est pas seulement à finalité informationnelle, inaugurale ou comportementale. L’enjeu peut se situer aussi au niveau de la capacité à créer du flux vers une région ou un pays à travers des concepts et le marketing territorial. Ceci fera l’objet de la prochaine tribune de cette série sur la communication publique et politique en Afrique.

Lucien Blémou

Président de l’association Sorbonne communication

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