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Les vérités du cardinal Robert Sarah aux autorités,aux politiques et aux guinéens . (Homélie intégrale)

Homélie de la Messe pour la Paix, l’Unité, la Réconciliation et la Prospérité de la Guinée

Monsieur le Président Mamadi DOUMBOUYAH

Bien-aimé Peuple de Guinée

Chers Frères et sœurs,

Je suis heureux de vous souhaiter à tous, un Saint et Joyeux Noël et une Heureuse Année 2022. Que Dieu vous bénisse et bénisse notre Pays. Qu’il fasse briller sur vous son visage, qu’il se penche avec bonté sur vous. Que le Seigneur tourne vers vous son visage, qu’il vous apporte la Paix ! Que Dieu comble vos vies de santé, de succès et de bonheur.

Je célèbre cette Sainte Messe pour la Paix, l’Unité, la Réconciliation et la Prospérité de notre cher Pays, la Guinée. Je demande humblement à tous les guinéens, chrétiens et musulmans, de s’associer à ma prière pour supplier le Dieu Tout-Puissant de donner au Président et à ceux qui nous gouvernent intelligence, sagesse, prudence et un cœur bon et généreux pour libérer définitivement le peuple de Guinée, d’unehorrible misère qui l’écrase depuis plus de 60 ans.Tous nous croyons en Dieu. Et nous savons que pour conduire son peuple et réaliser ses promesses, Dieu choisit des guides comme Moïse ou comme tous les chefs dans l’histoire des Peuples, des pays, qui selon les époques, les lieux et les circonstances, sont appelés à assumer la terrible responsabilité de libérer leurs peuples de toutes les formes d’esclavage, de les sortir de la misère et de combler ainsi leurs aspirations légitimes à de meilleures conditions de vie, dans la dignité, la paix, l’unité, la solidarité et la justice. S’il est vrai, comme nous avons l’habitude de le dire en Guinée, que c’est Dieu qui donne le pouvoir et que tout pouvoir vient de Dieu, il faut aussi convenir et affirmer clairement, solennellement et avec force, que tout pouvoir qui n’assure pas la promotion de l’homme vers de meilleures conditions de vie, de liberté, et de dignité, est une insulte à Dieu, une profanation de son Saint Nom.

Chers frères et sœurs guinéens, nous avons le devoir de prier chaque jour pour ceux qui dirigent notre Pays aujourd’hui, afin qu’ils conduisent non pas selon leurs intérêts égoïstes, ou ceux de leur famille, de leurs amis, mais selon la Volonté de Dieu, conscients de l’immense privilège que Dieu leur confie pour guider le peuple de Guinée vers la Terre Promise de la Prospérité, de la Paix, de l’Unité, du Rassemblement et de la Réconciliation. Je voudrais humblement demander au Président Doumbouyah, à son gouvernement et à ses compagnons de route sur le chemin de la Transition de rester fidèles aux engagements solennels pris devant le Peuple de Guinée, le 5 Septembre 2021, en vue de permettre à notre Peuple, si souvent qualifié, à juste titre, de « Courageux Peuple de Guinée », de s’épanouir enfin dans un contexte politique, social et économique adéquat, dans un Pays où la main de Dieu a déposé généreusement toutes les richesses de sa création pour le meilleur bien-être des guinéens. Nous avons hurlé des milliers et des milliers de fois que le Guinée est un scandale géologique. La Guinée est inondée d’eau. La Guinée est le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. Tous les grands fleuves de notre région prennent leurs sources en Guinée. Mais Dieu nous demande aujourd’hui à nous et surtout à nos dirigeants : qu’avez-vous fait de votre Pays et de ses richesses ? ne l’avez-vous pas bradé, vendu aux seuls profits des pays étrangers avec la complicité d’une poignée de guinéens corrompus ? Sinon, comment expliquer l’état lamentable, désastreux d’un Pays comme la Guinée, dans tous les domaines de l’existence humaine ? Comment les responsables politiques des 60 dernières années de notre indépendance ont-ils répondu à l’attente des besoins primaires de la population, en matières d‘alimentations, en eau potable, en électricité, en santé publique, en infrastructures routières, en matière d’éducation, de développement économique et social et d’équipement de toutes les structures et institutions indispensables au fonctionnement normal d’un Etat de droit digne de ce nom ?

Dans ce sens, je salue les initiatives prises par les nouvelles Autorités de notre Pays pour répondre aux urgences des besoins d’une population guinéenne qui a tant espéré et mis sa foi et sa confiance en Dieu au cœur de toutes les épreuves, de toutes les souffranceset calamités imposées par les différents régimes politiques qui ont conduit le pays dans la catastrophe générale.

L’accueil unanime, spontané et enthousiaste de la population guinéenne à l’avènement du Conseil National pour le Rassemblement et le développement (CNRD) est un signe éloquent d’une grande espérance placée sur vos épaules, Mr le Président. Vous ne devez plus décevoir le Peuple de Guinée. Vous ne devez plus attrister et faire pleurer Dieu. Mais rien de solide ne se fera si nous les guinéens, nous ne nous soumettons pas aux exigences d’un changement moral radical, si nous les guinéens, nousne nous soumettons pas à la discipline d’un travail sérieux et compétent, si nous ne nous soumettons pas à la discipline d’une bonne gestion administrative, économique, si nous refusons de lutter énergiquement contre la corruption, l’impunité, la gabegie, le vol du bien publique, le mensonge qui ont atteint tout le corps social, devenant ainsi le mode de vie habituel de tous les guinéens.

J’accompagne de ma prière quotidienne le travail si hardi et immense de la refondation des structures et institutions d’un Etat de droit démocratique en Guinée. Je voudrais dans cet élan d’accompagnement, supplier le Colonel DOUMBOUYAH, de travailler en étroite collaboration et avec clarté, franchise et totale confiance avec son Premier ministre et son gouvernement composé d’hommes et de femmes qualifiés, compétents, intègres, d’une grande probité morale et animés de l’unique désir de servir leur pays et leurs frères et sœurs, dont ils connaissent si bien la situation de détresse extrême, dans un pays qui a perdu la boussole pour s’orienter lucidement et humblement vers sa reconstruction globale. Je le supplie du même coup de ne jamais concevoir ou admettre un gouvernement parallèle qui opère de nuit pour produire des décrets et faire des nominations en catimini et les diffuser nuitamment. Cette façon de procéder est certainement inspirée par le Mauvais. J’ignore qui vous a, en l’espace de trois mois de prise de pouvoir induit à prendre deux décisions d’une gravité énorme qui ont rouvert de grandes blessures dans les cœurs de beaucoup de guinéens. La première décision maladroite consiste dans le fait de rebaptiser l’Aéroport de Conakry d’un nom qui fait polémique. La deuxième décision grave et injuste, c’est d’avoir restituer à Madame Hadja Andrée Touré, non seulement un bien qui n’appartient ni à elle, ni à son Mari, mais de lui avoir restituer un Bien de Dieu et de l’Eglise. En effet, le Premier Septembre 1961, Sékou Touré a confisqué le domaine du Séminaire de Dixinn qui est un Bien de l’Eglise, pour construire les villas Syli destinées à accueillir les hôtes de marques et y organiser des événements solennels, telles que les réceptions du 31 Décembre. Le grand mérite du Président Sékou Touré, c’est qu’il ne s’est jamais rien approprié personnellement. On ne dira jamais, voilà lePalais, la Villa ou la propriété de Sékou Touré. Sékou Touré n’a jamais pris un bien d’autrui pour se l’attribuer comme propriété personnelle. En cela il suscite notre admiration. Si aujourd’hui, MadameHadja Andrée Touré accepte avec gratitude et remercie qu’on lui restitue un bien qui ne lui appartient pas, elle se déshonore et déshonorerait son époux défunt. J’ai beaucoup de respect et de vénération pour Madame Hadja Andrée Touré. Mais les faits historiques ne mentent pas et ne peuvent être manipulés. Je salue l’orientation prônée par le CNRD dans les exigences de réconciliation, de rassemblement et de développement. Que ces exigences s’appliquent d’abord et surtout dans vos relations de collaboration au sein des forces armées et de sécurité guinéenne.

L’Afrique est gravement menacée par les djihadistes. Mettez votre honneur et vos compétences militaires dans la défense et la protection de nos populations et de notre pays. Soyez sourds aux sirènes de l’ambition, de la zizanie, du pouvoir politique et économique. Combattez toute référence ethnique. Prenons donc garde qu’aucune décision ou parole ne porte un germe de divisions ethniques ou de règlement de compte. Bannissons donc enfin le fléau de l’ethnocentrisme dans notre vivre ensemble national. Assumons ensemble le poids de notre passé, mais que la justice et la vérité soient le chemin de notre rassemblement, de notre réconciliation nationale et du pardon mutuel. Le chemin parcouru par notre peuple dans une traversée du désert héroïque, douloureux et digne d’éloges doit nous faire dire : « Plus jamais de démagogie politique stérile ! Plus jamais de gabegie financière, de solidarité ethnique dans le mensonge, les vengeances et règlement de compte ! Plus jamais d’appétits de promotion dans des fonctions de gouvernance politique ou administrative, en vue d’aménager pour soi-même, pour sa famille, ses parrains et amis, des sécurités matérielles et financières, des paradis fiscaux défiant toute audace ou scrupule dans un univers de pauvreté et de misère générale ! Ce qui à juste titre, provoque la révolte des pauvres.

Que les ministres ne soient plus envahis depuis leurs résidences jusqu’à leurs bureaux pour régler des questions familiales, claniques, financières ou d’emplois de leurs parents ou amis, les détournant ainsi de préoccupations de la Nation et de l’Etat.

Je demande aux partis politiques de reconsidérer sérieusement le visage de leur identité ou composition ethnique préjudiciable à l’unité nationale. Qu’ils rajeunissent et renouvelle leur leadership. Que des jeunes prennent la relève et réveille l’amour de nation et assainissent la réflexion politique. L’Afrique perd son temps, son énergie dans des débats inutiles et interminables portant sur des concepts de démocratie et de multipartisme tout à fait étrangers aux exigences de développement social et déconnectés de la culture,de la société et de l’histoire de notre continent africain.

A la lumière du parcours de nos pays africains sur ce chemin d’une démocratie illusoire, ne faut-il pas fortement recommander, au peuple de Guinée, la pratique d’une expérience de bipartisme qui atténue la tentation à construire des partis politiques sur des critères d’une appartenance ethnique, au lieu de nous préoccuper de bâtir ensemble une Nation prospère, unie et solidaire. Pourquoi sommes-nous impatients de voir réduit le temps de la Transition? Pourquoi nos organisations sous-régionales et continentales ou internationales s’acharnent-elles à exercer une pression sur le CNRD pour organiser dans un bref délai des élections rapides ? quel est le vrai problème de la Guinée en ces temps où nous sommes, et depuis toujours ? N’est-ce pas un problème de développement, d’aménagement de meilleures conditions de vie pour nos populations après l’échec des partis politiques qui ont conduit le pays à la faillite ? Les élections ne résoudront pas les problèmes de fond. Au contraire, elles enliseront le Pays dans la misère exécrable. Notre histoire guinéenne illustre bien ce que j’affirme ici. L’urgent aujourd’hui, ce ne sont pas les élections : c’est de reconstruire l’homme guinéen, lui redonner une structure morale et une discipline solide. La Guinée doit résister à toute pressions étrangères. Personne d’autre que le guinéen lui-même ne construira le Bien être de la Nation Guinéenne. Ce n’est pas de l’entêtement, c’est du réalisme et la conscience de nos responsabilités. Loin de moi de vouloir donner l’absolution au CNRD pour tout ce qui advient ou adviendra dans sa gouvernance et la conduite de notre pays. Mais ne faut-il pas avouer que les chantiers ouverts d’urgence sur tous les fronts, dans tous les domaines de la vie de notre nation, répondent aux besoins immédiats de notre population, et en matière de développement et de rassemblement de tous les secteurs de la vie nationale. Ne sommes-nous pas plutôt impatients d’occuper des places dans des institutions qui n’ont jamais joué leurs rôles dans le contexte de notre pays, mais dont certains membres influents ont largement bénéficié de la mannefinancière allouée au développement économique et social du pays ? Ne sommes-nous pas pressés de reprendre la même danse de la « Mamaya » au rythmedes promesses scandées par des responsables irresponsables qui doivent rendre compte de leur gestion au peuple usé et fatigué par l’attente des promesses devenues des mirages à l’horizon de l’histoire de notre pays.

Avant de quitter notre pays je voudrais espérer avec mon peuple de Guinée que nos espérances ne seront pas déçues, encore une fois, que nous n’avons pas dansé pour rien en accueillant l’avènement du Colonel Mamadi Doumbouyah du CNRD au pouvoir en Guinée. Je voudrais croire avec mon peuple que la lumière qui a brillé dans les ténèbres de l’histoire de notre pays, le 5 Septembre 2021, à cette occasionn’était pas un mirage, une illusion.

Permettez que je termine ce message par m’adresser à Dieu et je le fais en votre nom et en mon nom personnel : « Daigne Seigneur bénir notre détermination radicale de changer ce pays et sa population. Fécond-la par la force de ton Esprit Saint car sans toi nous ne pouvons rien faire. Mets en nos cœurs un amour vrai pour notre pays et pour chaque guinéen et guinéenne. Elève-nous au-dessus de tout sentiment de région, de race, d’ethnie, de jalousie, de vengeance ou de règlement de compte. Eclaire le Président et nos dirigeants : inspire-leur les lois et les dispositions qui tiennent compte de Toi, qui respectent chacun dans sa personne, dans ses droits, dans ses obligations et aspirations. Aide-nous, ô Dieu Tout-puissant à travailler ensemble à la refondation d’un Etat de droit, bâtie dans la justice, la Vérité et l’Amour fraternel. Par Jésus Christ, ton Fils notre Seigneur et notre Dieu, dans l’Esprit Saint, maintenant et toujours. Amen.

                                                                              Mercredi, 29 Décembre 2021

Eminence Robert Cardinal SARAH

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