Allentown, PA octobre 2024 Cher Gondwanais,
Dans le cadre de mon séjour d’intégration aux États-Unis, je suis entre autres plongé dans l’observation du processus électoral qui semble, pour beaucoup ici, être l’apogée de la démocratie. Je dois avouer que ma curiosité a été piquée non pas tant par le débat d’idées (horribles idées sur fond de menaces), que par l’ampleur des sommes qui circulent dans cette étrange course au pouvoir suprême. Je me rends compte que contrairement à ce que j’avais cru jusqu’ici là, les campagnes présidentielles américaines ne sont pas de simples compétitions politiques, mais de véritables spectacles financiers, où chaque candidat semble être un général à la tête d’une armée de dollars. Imaginez par exemple mon étonnement en découvrant que pour cette élection présidentielle de 2024, les candidats devraient dépenser la somme faramineuse de 16 milliards de dollars ! Cette somme dépasse déjà le précédent record de 15,1 milliards dépensés en 2020.
Pour un étranger, et surcroît un Gondwanais, il est difficile de comprendre pourquoi il faut tant d’argent pour obtenir ce que, dans d’autres contrées, un discours et un peu de persuasion suffiraient à accomplir. Ici, l’argent semble couler de multiples sources, la plus importante étant les fameux Super PACs (Comités d’Action Politique).
Ces organisations sont une véritable curiosité : elles sont libres de collecter des contributions illimitées de la part d’entreprises, d’individus riches, et de syndicats. Et bien que la loi leur interdise de « coordonner directement » avec les campagnes des candidats, elles semblent parfois jouer un rôle si central que l’on pourrait s’interroger sur leur véritable indépendance.
D’autres formes de soutien proviennent des contributions individuelles, mais ces dernières sont limitées à 2 800 dollars par élection. Cela semble peu face aux millions injectés par des fortunes privées, eh oui les grands magnans à l’image de Président Fondateur et les membres de son clan chez nous. Cependant, ce qui me fascine le plus, c’est le contraste : ici, tout le monde parle d’égalité des chances, de démocratie où chaque voix compte, et pourtant, ce sont les dons gigantesques qui semblent déterminer la visibilité d’un candidat, et parfois même son succès. Mais à quoi sert cet argent, me demanderez-vous ? Une grande partie va dans la publicité. Les campagnes ici investissent des millions dans des spots publicitaires diffusés sans répit, que ce soit à la télévision ou sur Internet. Imaginez, cher ami Gondwanais, des candidats en pleine guerre d’algorithmes sur Facebook et Google, cherchant à pénétrer les esprits des électeurs indécis à travers des publicités ciblées !
En 2024, déjà plus de 600 millions de dollars ont été dépensés uniquement pour la publicité numérique. Et ce n’est pas tout, car des millions supplémentaires partent dans la gestion de gigantesques équipes de campagne, dans l’organisation de meetings électoraux où les foules sont rassemblées comme dans un grand carnaval politique. Cette profusion de financements, venant de puissants donateurs, m’amène à m’interroger sur la véritable indépendance du futur président. Comment un candidat, qui a reçu des millions de dollars de soutien d’intérêts privés, pourrait-il gouverner en toute impartialité ? Ici, l’on murmure que les donateurs, en particulier les entreprises et les grandes fortunes, s’attendent à ce que leurs intérêts soient priorisés une fois que leur champion accède au pouvoir. Le président élu se retrouve alors dans une position délicate, où il doit répondre non seulement aux attentes du peuple, mais aussi à celles de ses bienfaiteurs financiers. Ne serait-ce pas là une forme subtile de corruption légalisée, où l’influence s’achète dans les coulisses ? Non, on parle de corruption uniquement au Gondwana et chez nos voisins du Sud.
Ainsi, je me demande, cher ami, si le vote du citoyen moyen a vraiment la même valeur que celui du magnat qui finance en silence des millions de dollars pour un Super PAC. Je suis curieux de savoir si ces masses populaires se rendent compte que leurs voix sont parfois couvertes par le poids des billets des élites financières. À bientôt pour de nouvelles observations de cette étrange mais fascinante démocratie.
Votre Gondwanais curieux et intrigué, Algassimou Porédaka Diallo, un observateur des coûteuses et intrigantes « SÉLECTIONS Américaines »