Dans une tribune, parue récemment dans le journal français «Mediapart» et relayée par la presse locale, des opposants politiques africains ont cru devoir interpeller la France et l’Europe sur la situation sociopolitique et l’état de la démocratie en Afrique Centrale et de l’Ouest.
A la suite d’un triste et sombre tableau qu’ils ont peint sur l’état du tissu du gouvernement du peuple dans ces régions du continent, les opposants disent regretter la posture de la France et de l’Europe qui ne feraient pas de cette situation, une priorité et les interpellent à ce titre sur, ce qu’ils ont appelé, leur «responsabilité».
En plaidant leur cause à eux, dans ce réquisitoire de la honte, sous prétexte de consolidation du tissu démocratique africain, les opposants les suggèrent de recourir à des modus operandi tels que, entre autres, la révision de leurs relations avec l’Afrique, la mise en œuvre de mécanismes du Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui impliqueraient la violation de la souveraineté des Etats, des sanctions individuelles contre les dirigeants mis en cause.
Alors que l’exercice est présenté comme un grand plaidoyer universel à la démocratie et pourrait susciter l’idylle de plus d’un, à l’aune de la souveraineté nationale, fondement de tout système démocratique et, pour des aspirants au pouvoir de leur envergure politique, cette tribune, dans le fond et dans la forme, n’est plus ni moins, qu’une grosse bévue à la démocratie, une plaisanterie de mauvais goût à la république et une posture politique immature et totalement irresponsable.
Il est maintenant clair, sans l’ombre d’un seul doute, qu’au-delà des mots, de belles formules démocratiques, prononcés du bout des lèvres, sans conviction aucune, pour haranguer les masses, à l’occasion de meetings politiques ou de campagnes électorales, que l’attitude de nos opposants qui traduit leur faible niveau de religion démocratique, n’est rien d’autre que la grande révélation de pseudos démocrates, dont le seul et unique dessein est la conquête et l’exercice du pouvoir politique, à tout prix, par tous les moyens et pour des fins autres que, démocratiques et patriotiques.
Sinon comment comprendre que pour des questions éminemment nationales qui impliqueraient l’être et le devenir, le présent et l’avenir de leurs nations respectives, plutôt que de s’adresser à l’opinion publique de leurs pays, d’interpeller leurs peuples, dépositaires en toute légitimité de la souveraineté nationale, les opposants ont trouvé, en la France et en l’Europe, en leurs Etats et en leurs opinions, leurs interlocuteurs ?
En agissant ainsi, nos opposants sont-ils devenus ou ont-ils toujours été, des nostalgiques des systèmes coloniaux ? Veulent-ils enfin s’assumer et assumer des accointances avec les anciennes Métropoles ou faire un clin d’œil au néo impérialisme ?
Dans l’un ou dans l’autre cas, cet exercice politique à deux balles, qui invite à mettre le continent, à nouveau, sous la coupe d’anciennes puissances coloniales, qui ont pourtant asservi plusieurs générations de peuples africains et qu’il a fallu mener âprement la lutte pour reprendre en main nos destins, est un regrettable et inacceptable appel à un paternalisme français et européen.
Plus d’un demi-siècle après les indépendances africaines, les nations africaines qui sont nées et qui ont entamé leur démocratisation à la fin du siècle dernier, sont assez matures pour trouver elles-mêmes, les réponses adaptées aux défis démocratiques qui se posent à leurs sociétés.
Aussi, dans les régimes démocratiques tels que revendiqués, à l’échelle universelle, suivant des modalités et dans des conditions définies par la loi, les peuples sont toujours les dépositaires des processus électoraux qui aboutissent au choix librement exprimé de leurs dirigeants légitimes et de leurs représentants légitimes.
Si pour une raison ou pour une autre, des griefs sont formulés, à tort ou à raison, par un acteur ou un autre, contre un processus électoral, ils doivent être régulièrement portés à la connaissance d’institutions bâties, légitimes et souveraines à charge pour elles, d’entériner ou de débouter les demandeurs des prétentions qui sont exprimées.
Ainsi, les décisions qui sont souverainement rendues, dans ces différends, sont censées vider le contentieux, mettre un terme au conflit et il est de la responsabilité de chaque acteur de la vie nationale ou de chaque citoyen de l’accepter en tant que tel. C’est le sens même du civisme, c’est-à-dire, la soumission aux lois et aux institutions de son pays, qu’elles nous contentent ou mécontentent dans les réclamations que nous portons devant elles. Telle est la pratique démocratique en France, en Europe et ailleurs dans le monde. Les Etats-Unis, avec la présidentielle dernière, contestée par le candidat sortant, nous donnent la preuve irréfragable de cette illustration.
Alors, en violant en toute connaissance de cause, les lois qui gouvernent à la vie publique et au fonctionnement démocratique de leur pays, pour s’autoproclamer vainqueur d’une élection ou encore présidents élus et en faisant le choix de poursuivre la contestation de processus totalement clos en vertu de la loi, devant les opinions publiques étrangères, les opposants opèrent dans la défiance des institutions de leurs pays et font dans l’anarchie et le désordre.
Pourtant, l’anarchie et le désordre sont antinomiques de toutes vertus démocratiques, de civilisation et sont pourfendeurs de la paix civile et destructeurs de la société politique, du “vivre ensemble“.
En Guinée, au cours des derniers processus électoraux, fixés au rendez-vous de l’histoire et de la démocratie, le pied de nez fait aux institutions de la république et les appels à l’insurrection ont été constitutifs de graves atteintes, aux libertés fondamentales et aux droits humains, à la paix civile ainsi qu’une remise en cause inacceptable de notre «contrat social», socle de notre communauté de destin.
A l’aune de l’Etat de droit, les faits et les actes commis par les uns et les autres devraient être élucidés par des procédures judiciaires régulières en vue de situer toutes les responsabilités et de les faire répondre devant la loi, dans toute sa rigueur.
Sinon, si tant soit peu, qu’il soit vrai que le fonctionnement de nos régimes politiques dans l’Afrique centrale et de l’ouest connaît des lacunes qui nécessitent un redressement, le modus operandi de nos opposants qui allie désordre et appel à l’ingérence étrangère, est loin d’être la panacée à ce “”mal démocratique”, mais plutôt, une autre source de problème.
L’exemple de la Lybie, devenue depuis plusieurs années maintenant un terrible théâtre de graves conflits armés, une véritable jungle dans laquelle, la traite humaine y a même été pratiquée et un sanctuaire du terrorisme universel à la suite de l’ingérence étrangère dans la crise de 2011 en est une parfaite illustration.
Aussi, en proie au populisme comme on le voit aux Etats-Unis, en France ou encore en Europe, il est à se demander, si la France et l’Europe, constituent aujourd’hui sérieusement des modèles démocratiques à envier.
C’est le grand enseignement de l’histoire démocratique de ces dernières années, le fait de que le régime du gouvernement du peuple est perfectible à l’infini et est sujet, partout dans le monde, à de dysfonctionnements. La crise de la présidentielle américaine et l’épisode de la présidence de Trump a en dit long sur ce sujet.
Dans les régions de l’Afrique de l’ouest et du centre, des progrès démocratiques notables ont été accomplis depuis le début de la décennie précédente même si encore une fois, à l’image de toutes les nations du monde, il y a encore du chemin à parcourir, pour consolider le tissu démocratique à la hauteur des attentes des peuples. Mais l’espoir est bien permis.
En Guinée, au cours de la décennie précédente, sur fond de progrès socio-économiques, il y a eu des avancées démocratiques incontestables qui ont été enregistrées. Une Constitution légitime a été établie, des institutions démocratiques sont bâties, les libertés fondamentales et les droits humains sont promus et protégés. Une ère nouvelle est née, dans la IVèmeRépublique, portée par le« Gouverner autrement», pour parfaire l’administration et la vie nationale en vue de les inscrire résolument sur le sentier du développement national.
Au nom de la souveraineté nationale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, socle des relations internationales, il revient librement aux peuples africains et à eux-seuls, à l’instar de leurs homologues du monde entier, de déterminer leur destin démocratique et de disposer de leurs dirigeants.
L’ignorer ou feindre de l’ignorer, c’est faire preuve d’une irresponsabilité politique inacceptable. Alors, face à cet impair de nos opposants, il revient aux peuples souverains, qui ont le pouvoir de faire et de défaire, en démocratie, d’en tirer toutes les conséquences, de disposer maintenant d’eux et de leurs actes.
Bangaly Keita
Directeur de Communication de l’UFC.